Cela fait déjà plus de soixante ans que le Festival d'Avignon s'impose comme LA référence des événements culturels nationaux pour tout ce qui est théâtre et art vivant. On comprend pourquoi vu la diversité de chaque programmation. Et ce n'est pas l'année 2023 qui nous contredira, loin de là. Surtout que le féminisme est à l'honneur ! Performances, pièces, spectacles musicaux...
On vous dit tout sur le must-see du Festival.
Adaptation du film d'une légende absolue du documentaire américain, Frederick Wiseman, cette pièce chorale (une quinzaine de protagonistes, rien de moins) de la Française Julie Deliquet remet sur le devant de la scène les personnes les plus marginalisées, des femmes aux sans-abris en passant par les travailleurs précaires. Du théâtre citoyen et politique d'autant plus nécessaire en cette période de manifs.
"Welfare" de Julie Deliquet - Du 5 au 14 juillet à la Cour d'honneur du Palais des Papes à 22h - Relâche le 9 juillet.
Duras ? Yourcenar ? On le sait depuis toujours, le prénom Marguerite est riche de sens, et de mots aussi. La metteuse en scène canadienne Émilie Monnet le démontre d'ailleurs avec cette pièce historique spécialement dédiée à Marguerite Duplessis, la première femme autochtone à avoir mené en justice sa lutte contre le gouvernement québécois. L'idée de ce combat ? Pouvoir revendiquer son identité. Des enjeux brûlants à l'heure où le sort des personnes autochtones est encore sujet aux mobilisations les plus fortes au Canada.
"Marguerite le feu" d'Emilie Monnet - Du 7 au 11 juillet au Théâtre Benoît-XII (12 rue des Teinturiers) à 19h.
Comme François Ozon, cette performance puissante met en scène huit femmes. Singulières, symboliques, politiques, frénétiques...
En explorant les mille déclinaisons de la danse - jusqu'au twerk ! - l'autrice et performeuse queer Rebecca Chaillon propose une oeuvre "afro-futuriste" et intersectionnelle : qui tacle aussi bien le sexisme millénaire que le racisme systémique... Et fétichiste. L'idée en un mot ? "Dynamiter les clichés érotisants et autres fantasmes qui enferment les corps des femmes noires", comme le résume l'Odéon. Engagé, subversif, bref : vivant.
"Carte noire nommée désir" de Rebecca Chaillon - Du 20 au 25 juillet à 19 h au Gymnase du lycée Aubanel (14 rue Palapharnerie) - Relâche le 22 juillet.
Extinction est la nouvelle création d'un indispensable du théâtre français, aux côtés de Wajdi Mouawad et Alexis Michalik : Julien Gosselin.
Nom réputé qui s'est déjà attaqué ces dernières années à certains grands auteurs contemporains (Don De Lillo, Aurélien Bellanger) et qui adapte ici les prestigieux dramaturges Thomas Bernhard et Arthur Schnitzler en nous plongeant... dans la société viennoise de 1900. Idéal pour faire écho aux grandes névroses d'aujourd'hui. On s'impatiente de découvrir cette nouvelle pièce résolument moderne et protéiforme.
"Extinction" de Julien Gosselin. Du 7 au 12 juillet à la Cour du lycée Saint-Joseph (62 rue des Lices) à 21h30 - Relâche le 8 juillet.
Cette pièce redonne de la visibilité aux invisibles : les victimes de violences sexistes et sexuelles. Car "Black Lights" est une adaptation de la mini série événement d'Arte, la remarquable H24. Ajout non négligeable à l'oeuvre originelle, la danse permet de donner d'autant plus de corps à des phrases qui viennent des tripes - des textes forts de femmes (d'autrices), par des femmes, sur la condition féminine. L'art vivant prend dès lors le pouls d'une société où l'oppression patriarcale demeure malgré la révolution #MeToo.
"Black Lights" de Mathilde Monnier - Du 20 au 23 juillet au Cloître des Carmes (Place des Carmes) à 22h.
"Oh Roméo, Roméo, pourquoi es-tu Roméo ?". De la tragédie shakespearienne aux doux regards d'un Leo draguant Claire Danes, cette question n'a jamais cessé de rebondir d'une bouche à l'autre. Elle se pose une nouvelle fois dans cette transposition du chorégraphe et danseur nord-américain Trajal Harrell, mélangeant genres et générations pour conférer à la figure de l'amoureux damné mille visages. Et actualiser une oeuvre à l'heure où l'idée de séduction est largement déconstruite - pour le meilleur.
"The Romeo" de Trajal Harrell - Du 18 au 23 juillet à la Cour d'honneur du Palais des papes à 22h30 - Relâche le 21 juillet.
"Kono atari no dokoka", c'est la collaboration entre la chorégraphe Française Martine Pisani et la performeuse Japonaise Michikazu Matsune.
Une rencontre des sensibilités qui, tout au long de cette introspection très personnelle sur l'art et la danse (elle nous relate les souvenirs intimes de Martine Pisani) nous fait voyager de l'Europe au Japon. On s'en doute, les évocations orales sont aussi importantes que le visuel (les créations vidéos) dans cette représentation très singulière, qui pose une question vertigineuse : "Que reste-t-il de la danse une fois le spectacle terminé ?". Réponse sur scène...
"Kono atari no dokoka" de Martine Pisani et Michikazu Matsune - Du 8 au 15 juillet à la Collection Lambert (5 Rue Violette) à 23h.
Si l'on excepte quelques films d'horreur ou teen movies, voilà un sujet loin d'être si exploré au cinéma : le quotidien de YouTubeur. Et de YouTubeuse. La vie de vidéaste est justement au coeur de cette pièce de théâtre, puisque tel est le métier pas si évident de la jeune Angela. Susanne Kennedy et Markus Selg s'approprient ce thème très générationnel et contemporain pour interroger le rapport (volontiers fissuré) entre le réel et l'illusion. De quoi affronter frontalement l'ère des réseaux sociaux et de l'influence.
"Angela (a strange loop)" de Susanne Kennedy et Markus Selg - Du 14 au 17 juillet au Gymnase du lycée Aubanel (14 rue Palapharnerie) à 19h - Samedi 15 et dimanche 16 : autres représentations à 23h.
La directrice du Théâtre Public de Montreui Pauline Bayle s'attaque avec cette pièce à une figure fondamentale, qui sait encore nous parler un siècle après la publication de ses chefs d'oeuvre : Virginia Woolf.
Cette plongée dans la vie et la littérature de l'autrice de Mrs Dalloway et Une chambre à soi tombe bien dans une époque qui s'interroge de plus en plus sur les regards féminins (contestataires et précieux dans une société patriarcale) et la mise en lumière des femmes artistes.
Virginia Woolf est indémodable : la preuve sur les planches.
"Ecrire sa vie" de Pauline Bayle. Du 8 au 16 juillet au Cloître des Carmes (Place des Carmes) à 22h. Relâche le 11 juillet.
Depuis la pièce en un acte de Jean Anouilh, imaginée en plein milieu des années quarante, la poignante Antigone s'est imposée comme une figure mythologique (côté tragédies grecques) indissociable du théâtre. Il est toujours fascinant d'observer ses multiples déclinaisons sur les planches, surtout à une époque où les voix féminines - et féministes - s'élèvent de plus en plus. Ici, Milo Rau transpose le mythe... En plein coeur de la forêt amazonienne, violentée par les industriels. Notre héroïne indignée, incarnée par l'activiste autochtone Kay Sara, contemple un monde qui brûle - le nôtre. Forcément subversif.
"Antigone in the Amazon" de Milo Rau - Du 16 au 24 juillet à L'Autre Scène du Grand Avignon - Vedène (Avenue Pierre de Coubertin) à 21h30.