"Avec le coronavirus la plupart des femmes sans-abris sont dans un état de stress inimaginable : elles ne comprennent pas ce qui se passe. Elles mènent une vie de galère, confinement ou pas confinement", nous assurait en mars dernier Alexia Choquet, travailleuse sociale pour Femmes SDF, une organisation d'accueil grenobloise. A juste titre. Des mois après les prémices du déconfinement, les femmes sans-abri et sans domicile fixe doivent faire face à une chaleur volontiers caniculaire, une précarité toujours aussi tenace, et une indifférence tout aussi violente.
Force est de constater que le "monde d'après" n'a pas grand chose de révolutionnaire en ce sens. Heureusement, la solidarité, elle, perdure malgré tout. Pour s'en convaincre, il suffit de s'offrir une escale du côté de Toulouse. Au coeur de la ville rose, un camion-douche - et plus précisément, un camping-car aménagé - vient d'être mis en place par l'association du même nom. L'idée derrière ce dispositif ? Offrir fraîcheur, savon et kit d'hygiène à ces femmes qui souffrent sous les yeux de tous. Une ambition des plus nécessaires en cette période estivale.
Le Camion Douche est une assoce reconnue d'intérêt général déterminée à venir en aide non seulement aux femmes sans-abris, mais aussi aux mal-logées, et plus globalement aux personnes "en situation de pauvreté, d'isolement et d'exclusion", peut-on lire sur leur compte Instagram. "La solidarité ne doit pas être victime du Covid-19", soutenait il y a quelques temps l'ancien ministre du Logement Julien Denormandie - depuis remplacé par Emmanuelle Wargon. Aujourd'hui, ce sont des initiatives indépendantes qui agissent pour renverser cette fatalité...
"L'été, beaucoup de personnes viennent se doucher. Les dimanches, il y a 10/12 personnes qu'on accueille pour la douche, il y a énormément de monde parce qu'il fait chaud, il y a peu de points d'eau...", prévient sur les ondes de France Bleu la co-fondatrice du Camion Douche, Héloïse Brière. Un débordement qui en dit long : c'est comme si le coronavirus n'avait fait qu'exacerber une précarité préexistante, et toutes les situations d'urgence sociale qu'elle induit. Avec la Covid-19, poursuit en ce sens la co-instigatrice, l'association souffre effectivement d'une pénurie de produits d'hygiène et de vêtements propres.
Ne restent plus à distribuer, déplore l'interlocutrice, qu'un "kit individuel avec le savon et le sous-vêtement, c'est à dire une culotte ou un boxer". Coup dur pour un dispositif qui met pourtant en lumière une intention primordiale : assurer à ces femmes l'intimité que la rue (et toutes les violences qu'elle induit) est venue leur ôter. Rappelons que les femmes sans-abri et sans domicile fixe rencontrent bien des dangers au quotidien. Pour en avoir conscience, encore faudrait-il accorder au sujet la visibilité qu'il mérite.
"Le 'phénomène' des femmes à la rue n'est pas très médiatisé, ne serait ce que dans l'imaginaire public", nous détaillait à ce titre Kerill Theurillat, le responsable du projet solidaire "Merci pour l'invit". Car dans l'esprit de monsieur tout le monde, être SDF, c'est encore être un homme. Ce n'est pas juste, d'autant plus au sujet de femmes qui sont obligées de se cacher pour éviter d'être violentées. Des personnes qui sont en situation précaire, obligées de dormir dans leur voiture ou chez des connaissances (jusqu'à ne plus pouvoir !), qui travaillent, touchent le RSA ou une petite retraite, des femmes qui ont été victimes de violences conjugales...".
C'est aussi pour cela que des associations comme Le Camion Douche importent autant. Conduit par une "pilote", le camping-car aménagé devrait être présent tous les samedis matins près de La Grave, sur la place Lange.