Emmanuel Macron en avait fait l'une de ses promesses de campagne : s'il devenait président de la République, son épouse Brigitte Macron bénéficierait d'un statut officiel de Première dame, avec missions et budget à la clé. Le but de la démarche ? Clarifier le statut, aujourd'hui encore flou, de la femme du président de la République.
Alors que depuis Danielle Mitterrand, toutes les Premières dames se sont investies dans des actions humanitaires et caritatives, l'objectif du projet de loi était de définir clairement ce qui entre, ou non, dans les prérogatives de la Première dame. "L'objectif reste de faire la transparence sur des pratiques qui étaient jusqu'à présent opaques, confiait l'entourage de Brigitte Macron au Monde. Dès lors que la Première dame a un rôle public, il est important d'en préciser les contours."
Or, pour certains, offrir un statut officiel à Brigitte Macron, lui allouer un budget et lui accorder des responsabilités en tant qu'épouse du chef de l'État va clairement à l'encontre de la parole citoyenne et du choix démocratique. C'est ce que pense Thierry Paul-Valette, "artiste peintre, auteur" et "citoyen engagé", qui a lancé il y a trois semaines sur Change.org une pétition s'opposant à la création d'un statut officiel de Première dame.
"Il n'y a aucune raison pour que l'épouse du chef de l'état puisse obtenir un budget sur les fonds publics. Brigitte Macron dispose à l'heure actuelle d'une équipe de deux à trois collaborateurs, ainsi que de deux secrétaires et deux agents de sécurité et cela est suffisant", écrit-il.
"Avec un tel statut la première dame usera de son rôle comme bon lui semble et ce sera lui reconnaître une existence juridique qui permettrait de bénéficier d'un budget, d'un rôle important, de nombreux collaborateurs, chauffeurs, protection renforcée et autres avantages...", poursuit-il sur Change.org, demandant que la question de la création d'un statut officiel de Première dame soit soumise aux Français par la voie d'un référendum "et non du fait d'un seul homme".
Devenue virale, la pétition lancée par Thierry Paul-Valette a actuellement recueilli plus de 304 000 signatures et bénéficié d'un large écho dans les médias. Une résonance qui a poussé le gouvernement à réagir. Alors que la loi sur la moralisation de la vie publique vient d'être adoptée par l'Assemblée nationale, cette volonté d'octroyer un statut officiel à Brigitte Macron déconcerte et agace une partie de l'opinion. Sur Twitter, le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner dénonce lui une "hypocrisie" typiquement française.
"Brigitte Macron joue un rôle, a des responsabilités. Nous voulons de la transparence et encadrer les moyens dont elle dispose", expliquait-il ainsi le 7 août dernier.
Mais pourquoi l'officialisation du statut de Première dame crispe-t-il autant l'opinion publique ? Interrogée par LCI, la docteure en sociologie à Paris 1 Panthéon-Sorbonne Christelle Gris explique qu'il faut chercher ces résistances dans l'histoire monarchique de la France. "Sous l'Ancien Régime, l'épouse du roi avait une fonction politique. Avec l'avènement de la République et l'abolition des privilèges, l'idée de donner un statut politique à une épouse est devenue inenvisageable. Les femmes ont donc, à ce moment-là, été exclues à double titre de la vie politique : d'abord parce qu'elles ne pouvaient pas être élues et ensuite parce qu'elles ne représentaient plus rien en tant qu'épouses." Pour la docteure, clarifier le statut de Brigitte Macron, "cela signifierait pour beaucoup revenir à ce qu'on a aboli auparavant."
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Face à la grogne, le gouvernement a finalement fait savoir ce lundi 7 août qu'aucune modification de la Constitution pour y inclure un rôle officiel de Première dame n'est envisagée. Brigitte Macron ne sera pas non plus rémunérée et une "charte de la transparence" devrait préciser à la fois son "rôle public" et le nombre de ses collaborateurs, affirme BFM TV.
Brigitte Macron, qui a fait savoir qu'elle souhaitait, comme les précédentes Premières dames, s'engager auprès d'associations caritatives, devrait néanmoins elle aussi bénéficier d'un bureau, de collaborateurs et d'un service de protection, dont les dépenses seront prélevées sur le budget de l'Élysée.