Il y a neuf ans, en 2005, Ang Lee était sacré à la cérémonie des Oscars en recevant la récompense du meilleur réalisateur pour Le secret de Brokeback Mountain. Le film, qui a également reçu l'Oscar du meilleur scénario adapté et celui de la meilleure musique, raconte une histoire d'amour. Celle d'Ennis et de Jack, deux jeunes hommes qui, durant l'été 1963, partent dans les montagnes du Wyoming, à Brokeback Mountain, pour garder un troupeau de moutons. Isolés au milieu d'une nature sauvage, leur complicité se transforme lentement en une attirance aussi irrésistible qu'inattendue. À la fin de la saison de transhumance, les deux hommes se séparent. Ennis se marie avec sa fiancée, Alma, tandis que Jack épouse Laureen. Quand ils se revoient quatre ans plus tard, un seul regard suffit pour raviver l'amour né à Brokeback Mountain.
Une histoire aussi tragique qu'universelle adaptée d'une nouvelle d'Annie Proulx qui, après avoir été transposée à l'écran par le réalisateur de L'Odyssée de Pi, trouve naturellement une résonance dans le registre de l'opéra. Ce 28 janvier, et jusqu'au 11 février, se tiendra au Teatro Real de Madrid Brokeback Mountain l'opéra. L'œuvre d'Annie Proulx a été transposée en musique par le compositeur américain Charles Wuorinen, et a été aidé pour l'occasion de la romancière elle-même. « C'est une histoire impossible, tragique, typique à l'opéra : deux personnes qui vivent une relation interdite dans leur société, l'un d'eux étant en outre incapable de s'accepter tel qu'il est », explique Charles Wuorinien au Huffington Post. « La tragédie au cœur de cette pièce est qu'Ennis ne devient capable de s'exprimer et de s'accepter qu'une fois que Jack est mort, quand il est trop tard : il a tout perdu. »
Ensemble, Charles Wuorinen et Annie Proulx ont conçu un opéra de deux heures en deux actes, qui flirte délibérément avec l'érotisme. Sur scène, les personnages s'embrassent et s'enlacent en sous-vêtements. « La musique, le texte, la mise en scène ; tout cela est anti-sentimental. Il n'y a simplement pas de place pour le sentimentalisme, c'est une façon trop commode et trop malhonnête d'obtenir une réaction du public », a déclaré le compositeur à l'AFP.
Et si, selon Annie Proulx, l'histoire narrée sur la scène de l'opéra « reste la même » que celle filmée par Ang Lee en 2005, « la présentation est en tous points différente » du long-métrage. « Pour ceux qui ont lu la nouvelle et lu le film, ce sera un autre niveau d'intensité et de sentiment », prévient-elle. Pas question, ni pour Annie Proulx, ni pour Charles Wuorinen, de faire de l'histoire d'amour entre Ennis et Jack une œuvre militante en faveur des droits homosexuels. « Notre intention n'a jamais été de créer une pancarte ou une célébration de ce que signifie être homosexuel », a déclaré l'auteure au Huffington Post. « Il ne s'agit pas de parler d'un amour gay. Il s'agit d'une relation, qui, dans ce cas, s'exprime à travers la passion entre deux hommes », confirme Charles Wuorinen.