Julie Maroh a eu beaucoup de mal à exprimer ses sentiments quant à l’adaptation de sa bande dessinée Le bleu est une couleur chaude, publiée aux éditions Glénat en 2011. C’est dans un billet de blog qu’elle a décidé de s’expliquer. Elle avoue traverser « un processus trop immense et intense pour être décrit correctement. » On la comprend. Si l’adaptation d’une œuvre littéraire pour un auteur est toujours une épreuve à traverser, avec son lot de bonheur et de frustration, Le bleu est une couleur chaude est la toute première bande dessinée adaptée au cinéma à recevoir une Palme d’Or.
Les adaptations de livres au cinéma sont toujours difficiles à appréhender. En effet, qu’est-ce qui caractérise une bonne adaptation d’une mauvaise ? Un copier/coller des scènes et dialogues constitue-t-il une meilleure adaptation qu’une libre inspiration ? Julie Maroh s’exprime à ce sujet. « Chez Quat’Sous Films se trouvait tout le découpage des scènes filmées, épinglé au mur en petites étiquettes. J’ai battu des paupières en constatant que les deux-tiers suivaient clairement le cheminement du scénario du livre, je pouvais même en reconnaître le choix des plans, des décors, etc. » Elle souligne que l’adaptation n’est pas une trahison. « J’ai perdu le contrôle sur mon livre dès l’instant où je l’ai donné à lire. C’est un objet destiné à être manipulé, ressenti, interprété. » Cela étant, Abdellatif Kechiche en a fait un film à son image. « C’est un film purement kéchichien, avec des personnages typiques de son univers cinématographique. [...] Mais ce qu’il a développé est cohérent, justifié et fluide. C’est un coup de maître. »
Cependant, si Julie Maroh s’avoue satisfaite de La Vie d’Adèle, elle regrette que les scènes de sexe soient si peu crédibles. Son explication quant au manque de crédibilité de certaines séquences : « il manquait sur le plateau des lesbiennes. » Si elle reconnaît certains choix du réalisateur quant au traitement de l’orgasme et du sexe lesbien, elle condamne malgré tout certaines scènes qui l’ont mise mal à l’aise. « Excepté quelques passages – c’est ce que ça m’évoque: un étalage brutal et chirurgical, démonstratif et froid de sexe dit lesbien, qui tourne au porn. » Si l’auteure avoue avoir demandé à ne pas être mêlée au projet car « c’était son film à lui. », ces scènes d’amour auraient gagné en crédibilité si l’auteure avait été consultée. « Je ne connais pas les sources d’information du réalisateur et des actrices (qui jusqu’à preuve du contraire sont tous hétéros), et je n’ai pas été consultée en amont. Peut-être y a-t-il eu quelqu’un pour leur mimer grossièrement avec les mains les positions possibles, et/ou pour leur visionner un porn dit lesbien. »
De plus, lors de la remise de la Palme d’Or, le réalisateur ne l’a pas mentionnée ni même remerciée publiquement, ce qui a suscité de vives réactions. Julie Morah s’explique à ce sujet. « Je ne doute pas qu’il avait de bonnes raisons de ne pas le faire, tout comme il en avait certainement de ne pas me rendre visible sur le tapis rouge à Cannes alors que j’avais traversé la France pour me joindre à eux, de ne pas me recevoir – même une heure – sur le tournage du film, de n’avoir délégué personne pour me tenir informée du déroulement de la prod’ entre juin 2012 et avril 2013, ou pour n’avoir jamais répondu à mes messages depuis 2011. » Mais l’auteure n’en garde aucune amertume.
Et vous, avez-vous envie de voir La Vie d’Adèle au cinéma ? Que pensez-vous de l’attitude d’Abdellatif Kechiche ?