Culture
Christophe Galfard : l'art de raconter la science aux enfants
Publié le 12 novembre 2012 à 14:07
Par Alexandra Guimaraes
Alors que « Le matin des trois soleils », deuxième tome de la saga best-seller « Le prince des nuages » vient de sortir en librairie, nous avons rencontré son auteur : Christophe Galfard. De la physique théorique à la littérature jeunesse, il nous raconte son parcours.
Christophe Galfard : l'art de raconter la science aux enfants Christophe Galfard : l'art de raconter la science aux enfants
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Terrafemina : « Le matin des trois soleils », 2e tome de votre roman à succès « Le prince des nuages » vient de sortir en librairie. On y retrouve vos héros Myrtille, Tom et Tristam. Les jeunes lecteurs pourront poursuivre leur découverte des mystères de la Terre et de son climat notamment. Comment est né ce projet?

Christophe Galfard : Avant, je faisais de la recherche en physique théorique, sur les trous noirs, l’origine de l’univers, des choses qui semblent très lointaines même si elles nous entourent. J’ai commencé par co-écrire « Georges et les secrets de l’univers », un livre pour enfants, avec Stephen et Lucy Hawking. C’est une idée qui me tenait vraiment à cœur. Du coup, j’ai voulu me lancer en solo, et redescendre un peu sur terre en quelque sorte.

Le premier endroit qu’on croise en revenant sur Terre, quand on est dans l’espace, c’est le ciel. Donc je me suis dit que j’allais expliquer le ciel de la Terre, et le meilleur moyen d’expliquer ça, c’était de placer les intrigues, les héros, dans les nuages. D’un point de vue scientifique, c’est porteur de plein de questions. Le ciel c’est notre interaction avec le soleil, c’est ce qui fait qu’on ne voit pas l’espace le jour parce que le ciel devient bleu tandis que la nuit il devient transparent, nous laissant voir les étoiles. J’ai aussi voulu expliquer le climat, les aurores boréales et de nombreux autres phénomènes merveilleux.

Dans ce deuxième tome, je poursuis la descente et continue les questions sur le cycle de l’eau, pourquoi la mer est salée, mais pas trop salée – parce que c’est ça la vraie question à se poser – et comment voir l’histoire de la Terre inscrite dans la roche dès qu’on est face à une montagne, ou une falaise. De la physique théorique je suis allée vers la science en général, vers cette connaissance du monde que la science nous offre.


Tf : Est-ce que vous allez poursuivre cette descente jusqu’au centre de la Terre, dans le 3e tome ?

C.G. : Effectivement, mais le sujet reste les nuages. Je ne peux rien dire de plus, c’est secret.

Tf : Vous faites beaucoup de vulgarisation scientifique, que ce soit pour les enfants par des ouvrages comme « Le prince des nuages », les aventures de Georges, ou pour les adultes par des chroniques telles que celles que vous animiez pour Arte. Avez-vous toujours voulu faire ce travail de pédagogie pour le grand public ? Est-ce que vous avez encore le temps de chercher ?

C.G. : Je n’ai absolument plus le temps de chercher malheureusement. Idéalement j’y retournerai dans quelques années, en freelance peut-être. [Face à une expression pleine de doute, il ajoute :] Ça n’existe pas, je vous rassure. Mais j’y reviendrai certainement. Il y a quelque chose d’extrêmement agréable dans mon travail actuel, j’élargis considérablement ma culture générale pour être capable de la diffuser ensuite. Pour écrire « Le prince des nuages » j’ai appris beaucoup de choses. J’ai appris la météorologie, les fossiles, même les éruptions solaires que j’évoque dans le tome 2. Avant je ne m’y connaissais pas vraiment.

Tf : Comment vous êtes-vous éloigné de la recherche ?

C.G. : Mon directeur de thèse, Stephen Hawking, est un génie de sciences mais aussi un génie de la vulgarisation. J’ai énormément appris avec lui, et en l’aidant parfois à écrire ses conférences, j’ai réalisé à quel point il y avait un public gigantesque pour ce genre de choses et à quel point, en particulier en France, ce public n’a pas grand-chose à manger.

Il y a quelques tentatives de vulgarisation, mais elles n’ont pas encore touché le public. C’est donc ce genre de choses que j’ai appris à faire avec Stephen, et j’ai poursuivi dans cette voie parce que je trouve ça fondamental. Ce serait catastrophique, qu’à cause d’un manque de connaissance, les fonds alloués à la recherche baissent.

Si l’électorat avait conscience de la joie que procure la recherche, des potentiels inimaginables qu’elle représente à la fois économiquement et à titre individuel, pour rêver et se sentir mieux tous les jours, les hommes politiques qui ne participeraient pas à améliorer cette recherche-là ne seraient pas élus. Penser que la recherche scientifique coûte trop cher, c’est un mauvais calcul. Si on prend le Centre européen de recherche nucléaire (le CERN) par exemple, à Genève, les projets coûtent plusieurs dizaines de milliards d’euros mais quand on rapporte ça au temps mis par les chercheurs pour découvrir, et par les ingénieurs pour fabriquer les objets en question, on réalise que ce budget équivaut à une tasse de café par européen par an. Car ce n’est pas tous les ans qu’il y a de tels projets, plutôt une fois tous les 20-30 ans. Ces recherches font travailler des milliers de personnes sur le fondement de la matière. De plus, c’est notamment grâce à la recherche que votre site existe : Internet a été créé par des réseaux de chercheurs du CERN. Les retombées de la recherche ne sont pas quantifiables tellement elles sont gigantesques, en revanche, on ne peut pas toujours les prévoir à l’avance.

Il faut qu’il y ait un équilibre des budgets évidemment, on ne peut pas tout mettre dans la recherche. Néanmoins si on n’investit pas dans la recherche, ça nous barre le futur. Ça nous barre des possibilités de médecine, d’industrie et à long terme même de survie de l’espèce humaine. C’est quelque chose de fondamentalement important pour la société en général il me semble.

Tf : Votre travail risque de susciter pas mal de carrières parmi vos jeunes lecteurs, de votre côté, qu’est-ce qui vous a donné envie de devenir physicien ? Avez-vous des souvenirs d’émissions, de films ou livres qui auraient particulièrement attisé et nourri votre curiosité ?

C.G. : J’espère bien susciter des carrières, j’ai déjà reçu des courriers dans ce sens. Je ne sais pas si ce sera suivi, mais je l’espère. Ca voudra dire qu’au moins à un moment dans leur vie ça leur a apporté quelque chose.

J’ai très tôt été fasciné par Hawking, et puis il y avait aussi ces livres avec des photos des planètes, ce n’est pas de la physique théorique, mais c’est beau, ça fait rêver. Quand je vois des enfants, des adolescents (et j’en ai rencontré plus de 40 000 depuis 3 ans), il n’y en a pas un qui ne soit pas fasciné par les sciences, l’astronomie ou les dinosaures. Tous les enfants passent par cette période de fascination, et après certains oublient.

Selon moi, l’une des raisons les plus fortes de cet oubli, c’est que plus grand, la science, c’est à l’école. Il n’y a rien en dehors qui continue d’alimenter leur curiosité. Il faudrait réussir à compléter cette offre hors des murs et à les pousser vers les sciences. J’aimerais que les sciences réunissent les gens à travers un rêve commun.

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