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Congeler ses ovocytes à 35 ans : un bébé quand je veux ?
Publié le 17 janvier 2013 à 10:30
Par Marine Deffrennes
Faire un bébé après 35 ans ne serait plus si compliqué si les femmes pouvaient congeler leurs ovocytes. Mais remettre une grossesse à plus tard parce qu'on n'a pas trouvé le conjoint idéal est-il sans risques ? Contre toute attente, le collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) s'est prononcé en faveur de la vitrification d'ovocytes de convenance. Le point sur une idée révolutionnaire et résolument féministe avec Joëlle Belaisch-Allart, vice-présidente du CNGOF.
Congeler ses ovocytes à 35 ans : un bébé quand je veux ? Congeler ses ovocytes à 35 ans : un bébé quand je veux ?© ThinkStock
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Terrafemina : En quoi consiste la vitrification des ovocytes ?

Joëlle Belaisch-Allart* : Il s'agit d'une technique de congélation ultra-rapide plus efficace que les techniques classiques de congélation. Depuis 1986, on savait congeler les ovocytes mais les résultats n'étaient pas vraiment au rendez-vous. Beaucoup d'ovocytes ne résistaient pas à la décongélation, et les taux de grossesse restaient très bas. 

TF : Qui peut y recourir actuellement ?

J. B.-A. : La vitrification est utile dans plusieurs cas. Elle permet de préserver la fertilité des femmes qui subissent un traitement potentiellement stérilisant, tels les traitements contre le cancer. Elle est également utile dans le cadre du don d'ovocytes : on congèle l'ovocyte le jour même de la ponction de la donneuse, cela facilite la logistique du don, il n'est plus nécessaire de synchroniser les cycles des donneuses et des receveuses.
En outre, la révision des lois bioéthiques de 2011 prévoit que les femmes qui font don de leurs ovocytes auront le droit de conserver une partie des ovocytes pour elles si elles n'ont pas encore eu d'enfants. Mais le décret d'application de cette disposition n'est pas encore paru. Je considère pour ma part que c'est une mesure injuste et inadaptée, qui revient à du chantage au don et dont je ne suis pas sure qu'elle soit efficace ni pour la donneuse ni pour la receveuse.

TF : En décembre dernier, le CNGOF s'est prononcé en faveur d'une autoconservation des ovocytes de confort. Pourquoi cette prise de position ?

J. B.-A. : Il s'agit en effet d'une application future soutenue par le CNGOF. C'est l'autoconservation dite « de convenance » ou « sociétale ». L'idée est de proposer aux femmes d'environ 35 ans si elles n'ont pas encore pu réaliser leur souhait de maternité, de congeler leurs ovocytes, pour les utiliser plus tard quand elles seront prêtes. Ce serait une véritable révolution. Nous voyons beaucoup de patientes de 40 ans et plus en larmes dans nos bureaux lorsque nous leur parlons de la chute de la fertilité avec l'âge. Les femmes croient trop souvent que tant qu'elles ne sont pas ménopausées elles sont fertiles, ce qui est totalement faux ; la chute de la fertilité survient au moins dix ans avant la ménopause. Le recul de l'âge de la maternité est un phénomène de société. Il faut considérer la vitrification de convenance comme un traitement préventif de la chute de la fertilité avec l'âge, il ne serait pas juste de ne pas l'offrir aux femmes. L'infertilité liée à l'âge ne serait ainsi plus une fatalité. 

TF : Pourquoi prélever les ovocytes à 35 ans ?

J. B.-A. : 35 ans c'est un bon compromis car c'est l'âge où la chute de la fertilité s'amorce mais où fort heureusement de nombreuses femmes ont déjà réalisé leur désir d'enfant. Proposer une autoconservation ovocytaire à 35 ans aux femmes sans enfants permettrait d'être efficace mais de ne pas le proposer à toutes les femmes inutilement. Certes, plus la femme est jeune, plus elle a de bons ovocytes. Mais notre idée n'est pas de proposer cette solution à toutes les femmes à 25 ans ! Ce serait tomber dans la science-fiction. Il s'agit seulement de donner une chance à ces femmes qui mettent un peu plus de temps à trouver le partenaire idéal et à s'installer, notamment du fait de leurs études plus longues. De fait, nous verrions moins de femmes de 40 ans obligées de recourir au don d'ovocytes. 

TF : Congeler ses ovocytes pour faire un bébé plus tard, cette solution est-elle sans risques?

J. B.-A. : Évidemment non. Il y a deux risques majeurs. D'abord les faux espoirs. Les femmes ne doivent pas croire qu'elles ont un bébé au congélateur. Ce n'est pas un bébé, juste quelques ovocytes. Il en faut 20 à 25 pour espérer une naissance. Le taux de réussite est loin des 100%. On estime qu'avec 8 ovocytes de bonne qualité congelés la femme peut espérer 60% de naissances. Le deuxième risque est d'encourager les grossesses tardives. C'est pourquoi il faut une limite d'âge. Je la fixerais à 45 ans. En effet l'âge augmente les risques de prématurité, d'hypertension, de diabète et surtout de mort maternelle à l'accouchement (il est 10 à 15 fois plus élevé chez les femmes de plus de 45 ans) et de mort fœtale. 

TF : Les hommes ont-ils le droit de faire congeler leur sperme ? Y a-t-il une inégalité entre hommes et femmes sur ce point?

J. B.-A. : Oui, subrepticement, on s'est habitué à congeler le sperme des hommes pour des raisons plus ou moins médicales. En cas d'infertilité masculine, on propose souvent aux hommes de congeler leur sperme pour prévenir une aggravation liée à l'âge. Or, pour les femmes, l'avancement de l'âge représente un risque aussi. En prévision d'une FIV, on permet souvent à un homme de congeler son sperme s'il pense ne pas pouvoir être présent au bon moment. On peut donc estimer qu'il y a une forme d'inégalité entre hommes et femmes. 

*Joëlle Belaisch-Allart est chef de service de gynécologie obstétrique et de médecine de la reproduction à Sèvres. 

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