Les fesses des femmes fascinent les hommes à peu près autant que leurs seins. Pour la plupart d'entre eux, qu'ils pratiquent la sodomie ou fantasment de le faire, ils ne tolèrent pas la moindre approche vers leurs propres fesses - pourtant tout aussi innervées que celles des femmes - avec la certitude ou l'angoisse que ce plaisir-là ferait d'eux des homosexuels.
Sans forcément envisager la sodomie dans sa forme classique, il existe d'autres plaisirs pour "jouer avec la fleur du jardin de derrière" (selon une expression taoïste) comme de simples massages de l'anus ou de la zone périnéale (entre les testicules et l'anus), l'anulingus (caresses avec la langue), l'insertion d'un doigt...
Mais le tabou est tel chez les hétérosexuels, qu'ils sont peu enclins à laisser leurs partenaires féminines jouer avec leur bouton de rose et les porter vers de plus hautes nues. Pourtant, ceux qui se livrent à ces jeux sont unanimes : leurs orgasmes sont plus puissants, plus profonds, plus longs, ils envahissent tout le corps, avec un ressenti intérieur inhabituel chez eux (il est à rapprocher de l'orgasme clitoridien chez les femmes, généralement plus intense que le vaginal). Il y a des raisons physiologiques à ces plaisirs : la prostate joue un rôle essentiel dans l'éjaculation et est entourée par les deux paquets de nerfs qui permettent l'érection. Pour libérer les hétéros de leurs appréhensions, les fabricants de sextoys ont sorti des gammes de stimulateurs prostatiques dont la forme n'est pas phallique (l'alternative manuelle pour ce massage étant d'introduire les 2 premières phalanges d'un doigt dans le rectum et de masser la paroi côté ventral). Certains hommes trouvent même que les orgasmes obtenus ensuite par pénétration deviennent plus intenses également, comme s'il y avait eu un développement de leur capacité orgasmique.
Si c'est si bon, pourquoi résister ? L'homme qui se laisse stimuler ou pénétrer, qui s'abandonne à l'autre, se trouve dans une situation dite féminine. Convaincre les hétéros qu'il faut différencier les pratiques des genres, qu'il n'y a pas de pratiques réservées aux gays, et d'autres aux hétérosexuels est complexe, mais les nouvelles générations semblent prêtes. Globalement, toutes les pratiques anales sont majoritairement pratiquées par les jeunes.
Debby Herbenick, co-auteur d'une étude au Kinsey Institute, révèle que 11% des hommes de la génération Y ont été pénétrés analement. Une autre étude américaine sur 1.500 hétéros, datant de 2008, révèle que pour la "net génération" masculine qui pratique ou a pratiqué la sodomie, les jeux anaux sont globalement mieux acceptés : 18% ont consenti à être pénétrés, 15% se sont prêtés à l'anulingus et 24% ont été pénétrés par un doigt (on tombe à 2% pour l'anulingus, 3% pour une pénétration par un doigt, et 10% pour la pénétration anale d'une partenaire féminine chez ceux qui ne pratiquent pas la sodomie).
Selon le New York Magazine, les jeunes trouvent que cela permet de nouveaux jeux, que d'une certaine façon, ce sont des pratiques plus intimes que les autres, que tout ce qui est anal étant tabou, c'est une délicieuse transgression, qui permet d'alterner les jeux de domination et soumission. La pornographie a contribué à ces changements de moeurs, avec quelques grands succès autour de pratiques anales hétéros. Globalement, ils acceptent mieux toute nouvelle forme de stimulation et n'ont pas le problème des générations plus anciennes autour d'une redéfinition de la masculinité imposée par l'émancipation féminine. Il ne s'agit plus ni de genre, ni d'orientation sexuelle, ni de jeux de pouvoirs, mais tout simplement de plaisir sexuel.
Pour certains, la parité passe aussi par là : l'anus est un orifice qui est commun aux deux sexes et permet par conséquent de partager des plaisirs communs. Les tabous changent, et les justifications culturelles des pratiques aussi. Si ces orgasmes paritaires ne séduisent pas encore tous les hommes, il faudra peut-être appuyer là où ça fait mal : le refus ne serait rien d'autre qu'un signe de l'âge...