Lisant récemment un livre sur l'histoire du clitoris, par le sexologue Jean-Claude Piquard*, j'ai été fort heureusement surprise par un chapitre entier consacré aux différences de jouissances entre celles dites « clitoridiennes » et celles dites « vaginales ».
Partant de sa surprise à trouver de nombreuses descriptions de l'orgasme dit clitoridien tout au long des vingt derniers siècles, mais aucune sur l'orgasme vaginal, lequel inquiète tout autant les hommes que les femmes - tant il semble être difficile à cerner pour beaucoup -, le sexologue a pris le parti d'interroger quelques-unes de ses patientes pour essayer de mieux comprendre.
En effet, si le premier est court et déclenche – entre autre - des spasmes (Hippocrate le rapprochait à une crise d'épilepsie) qui le rendent facilement identifiable, l'orgasme vaginal est lui plus long, diffus, et mal documenté : « il n'y a pas de spasmes réflexes mais plutôt une mobilité ample pour jouer avec le partenaire et/ou pour accroître ce plaisir vaginal. La fréquence cardiaque est à peine plus élevée que la normale. Certains chercheurs ont même décrit dans le cerveau des femmes faisant l'amour les mêmes ondes encéphalographiques que celles qui apparaissent pendant la relaxation ou la méditation, donc totalement à l'opposé de l'orage du système nerveux autonome accélérateur ».
En bref, comme nous l'avions écrit précédemment, il y a beaucoup de plaisir, de la jouissance et des manifestations diverses selon les unes et les autres, mais le plus souvent rien de quantifiable, si ce n'est un profond apaisement et un pic de satisfaction, qui ne résout pas toujours la tension sexuelle et peut laisser les femmes en demande.
Cela m'entraîne à plusieurs réflexions :
- Il y a probablement une chronologie à revoir pour les femmes qui, lors des rapports, ont besoin à la fois de l'orgasme clitoridien et de la jouissance vaginale (pour reprendre la scission sémantique que propose Piquard). Nombreuses, en effet, sont celles qui ne peuvent se résoudre à masturber leur clitoris pendant la pénétration (ce qui permet pourtant à l'homme de sentir les spasmes de l'orgasme féminin qui viennent délicieusement enserrer sa verge, et à la femme d'entrer en période réfractaire, où l'apaisement physique et psychique est total, tout comme son partenaire). Pourquoi alors ne pas prendre l'habitude de se masturber après la pénétration (ce que font d'ailleurs volontiers certaines femmes, lorsque le rapport ne leur a pas paru complet) ?
- N'est-ce pas logique que le clitoris, en tout point similaire au pénis, mais essentiellement interne et sans le corps spongieux du pénis, produise des orgasmes si similaires à ceux des hommes et donc reconnaissables par un corps médical essentiellement masculin, qui attend et impose une jouissance vaginale similaire à la leur, tandis que ce dernier est un organe différent, produisant par conséquent des effets distincts ?
- Les études s'accordent toutes à dire que seules 30% des femmes connaissent des orgasmes vaginaux satisfaisants. Ne faudrait-il pas plutôt dire « reconnaissent » ? Est-ce que la principale problématique des femmes n'est pas plutôt de savoir comment le reconnaître, dans la mesure où il a rarement des manifestations aussi tangibles que l'orgasme clitoridien ? Une étude peut-elle être un bon indicateur de la vérité, si les personnes interrogées, par manque de définition de la chose, ne peuvent savoir dire si elles la connaissent ou non ?
Avant d'inquiéter les femmes sur une « sous-performance » sexuelle dans le cas où elles ne savent reconnaître les signes de la jouissance vaginale, ne faudrait-il pas d'abord rendre au clitoris la description qui faisait foi au XVIIIe siècle, de « verge féminine », puis de demander aux scientifiques de bien vouloir se pencher sur une définition valable des jouissances que procure le vagin, ce deuxième organe de plaisir, en cessant dès à présent d'incriminer celles qui ne savent dire ce qui n'a jamais été clairement énoncé ?
* « La Fabuleuse histoire du clitoris », Jean-Claude Piquard, Editions Blanche
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