Il n’est jamais inutile de repréciser le contexte de ce pays singulier et assez mal connu. Tour à tour sous la domination des Perses ou des Russes, l’Azerbaïdjan est un pays hybride, à la fois occidental et oriental. Sa population est pour l’essentiel de confession musulmane, son mode de gouvernement est laïc et séculaire.
Par ailleurs, la première République Démocratique azerbaïdjanaise a été proclamé le 28 mai 1918. À cette époque, pour mettre en place un cadre juridique viable, le pays s’était fortement inspiré des institutions occidentales. En effet, un Parlement national avait été créé, des droits pour les libertés individuelles avaient été garantis, mais surtout, le droit de vote pour les femmes a été institué alors qu’en France, il a fallu attendre 1944 et les élections de 1945 pour qu'elles votent pour la première fois.
Libéré du joug soviétique en 1991, le pays a fait le choix de se tourner vers l’Europe. Il a entamé depuis une vingtaine d’années un véritable processus de modernisation, tendant à adopter les valeurs du Conseil de l’Europe dont il est membre qui sont notamment celles du respect des droits de la personne, l’égalité, la tolérance et la diversité.
Le système azerbaïdjanais a notamment coopéré avec la Cour européenne des droits de l’homme (« CEDH »). Parmi les mesures prises par le gouvernement dérivant de cette coopération, un programme d’État spécial mis en place en 2007 pour la création d’un Conseil national de soutien aux organisations non gouvernementales dans certaines sphères de la société, y compris celle des femmes et de la question du genre.
En matière de droits des femmes, les premières améliorations concrètes pointent le bout de leur nez. Certes, la condition des femmes n’est pas, ce serait mentir que prétendre l’inverse, pleinement satisfaisante en Azerbaïdjan. Mais après 70 ans de communisme, la transition démocratique ne se fait pas sans une certaine inertie.
Sur le plan politique pour commencer, les autorités azerbaïdjanaises ont manifestement fourni des efforts en matière de diversité. À la médiation nationale, c’est une femme qui a été nommée par le parlement en 2002. 14 % des juges sont des femmes et le parlement est constitué à 16 % de femmes (données datant de 2011). Une part timide dans l’absolu. Comparée aux chiffres de 2005, elle paraît beaucoup plus encourageante puisque ce pourcentage n’était alors que de 11 %. La tendance est donc définitivement à la hausse. C’est aussi une femme qui représente, au cabinet des ministres, le comité d’État pour la famille créé en 2006 pour renforcer la prise en charge des femmes et des enfants.
À l’échelle des territoires, une progression est également notable. D’après une étude de l’OSCE, le nombre de femmes élues aux conseils municipaux a augmenté de 4 % à 26,5 % entre 2004 et 2009.
Selon Kifayat Jabigzi Aghyera, doctorante de l’université de philosophie de Bakou sur les questions de genre en 2010, si les femmes ont du mal à s’imposer dans la sphère publique, c’est aussi parce qu’elles doivent déconstruire les représentations extrêmement dévalorisantes qu’elles ont par rapport aux hommes.
« Dans la sphère publique, les femmes ne parlent pas vraiment pour elles-mêmes et recherchent encore trop souvent l’approbation de l’homme sans comprendre les implications sociales profondes sous-jacentes aux inégalités dont elles sont les premières victimes. Tant que les femmes n’auront pas bâti une réelle estime d’elles-mêmes, leur émancipation sera limitée », explique-t-elle.
En effet, le rôle des femmes est encore strictement cantonné à celui de l’épouse et de la mère, et leur utilité sociale est circonscrite à la cellule familiale. Un schéma social très fortement ancré dans les esprits, et ce quelles que soient les couches sociales concernées.
Afin que ces avancées se confirment, les efforts légaux doivent être prolongés dans le domaine de l’éducation. Ce n’est qu’à la condition d’une déconstruction des stéréotypes de genre, à commencer chez les femmes elles-mêmes, que l’Azerbaïdjan pourra poursuivre sa révolution en matière de droits des femmes.