L'arrivée du Rassemblement National en tête du scrutin des élections européennes avec 31,37 % des voix suscite une vague de réactions vives en France. Notamment au sein des mouvements féministes, qui alertent quant aux conséquences que pourrait avoir une dominante d'extrême-droite aux futures élections législatives.
Représentée par Jordan Bardella, la liste du Rassemblement national fédère de plus en plus un public féminin. En cinq ans, le RN a remporté dix points de ce côté là : un sondage Ipsos estime à 30 % la part d'électorat féminin. Ce qui ne laisse pas Anne-Cécile Mailfert indifférente. La présidente de la Fondation des Femmes le déplore sur les ondes de France Inter : "j'alerte sur les risques pour les droits des femmes en cas de victoire de l'extrême-droite. Il faut entendre les alertes féministes, ou nous courrons toutes et tous un vrai danger".
Il y a deux ans déjà, la chercheuse spécialiste de l'extrême droite Nonna Mayer s'exprimait dans nos pages à ce propos. Elle déclarait : "Le Rassemblement National propose un féminisme de surface, mais qui la fait apparaître presque "moderne" pour les partisans de Zemmour ou de la Manif pour tous. Marine Le Pen est contre les féministes et les théories du genre, mais elle se présente habilement comme une "quasi féministe", comme une femme qui en a bavé et qui connaît les problèmes de la condition féminine".
"Pourtant, à Bruxelles, le Rassemblement national ne vote pas quand il s'agit de mesures en faveur des droits des femmes, contre les inégalités salariales par exemple. Mais avec sa nouvelle stratégie ciblant l'électorat féminin, en se présentant comme une femme, Française, mère et travailleuse, Marine Le Pen a réussi à faire en sorte que cet écart n'existe plus".
Position face au droit à l'avortement, valeurs patriarcales conservatrices, votes contradictoires au Parlement européen, "feminism washing" (féminisme opportuniste, de facade) permis par la mise en avant d'une leadeuse familière au paysage politique depuis vingt ans, discours à l'égard des personnes LGBTQ, les arguments des militantes ne manquent pas. D'autres voix à l'unisson se font entendre...
"Le 26 novembre 2020 et en novembre 2021 les élu·es RN se sont opposé·es à une résolution condamnant la Pologne qui interdisait quasiment totalement l'avortement", relate l'espace d'une tribune le collectif Grève féministe. "Le 11 avril dernier, ils et elles se sont abstenu·es sur l'introduction du droit à l'avortement dans la Charte européenne des droits fondamentaux. Lorsqu'il se félicite de la constitutionnalisation du droit à l'avortement en France, Jordan Bardella le fait par pur opportunisme électoral".
"Les femmes votent (presque) autant que les hommes pour le RN alors que les femmes seront ciblées par ses politiques", déplore du côté de Sud Ouest Céline Piques, membre d'Osez le féminisme !, alors que la philosophe Camille Froidevaux-Metterie s'alarme : "Voter pour le RN, c'est braquer une arme contre soi ". Le média féministe Cheek Magazine tient également à rappeler la réalité du "projet politique antiféministe, anti-LGBTQIA+, xénophobe et haineux" que pourrait mettre en pratique le Rassemblement National.
"Comment une femme peut elle voter pour un camp qui systématiquement, partout dans le monde, a mis en place des législations contre les droits et libertés des femmes ? Qui sont ces femmes qui votent contre leur propre intérêt et pourquoi font-elles cela ? En France, le RN a ceci de particulier qu'il a brouillé les pistes en prenant soin de ne pas s'opposer frontalement à l'IVG", observe en outre Anne-Cécile Mailfert.
"Les femmes qui vivent aujourd'hui en Argentine, en Hongrie, en Russie ou en Italie nous alertent pourtant : ne tombez pas dans le piège", poursuit la présidente de la Fondation des Femmes. Mais c'est également au sein des jeunes générations que les voix s'élèvent. Ainsi Léna, féministe et écologiste de 24 ans, témoigne-t-elle dans les pages de Madame Figaro : "Avec le Rassemblement national (RN), les vies françaises compteront plus que d'autres. Et puis la montée du fascisme, l'égalité femmes-hommes... Quand on pense à la façon dont s'est fondé le RN, j'aurai honte d'être citoyenne d'un pays ayant voté pour un parti qui défend ces valeurs"