Après deux tentatives de la gauche en 2018 et en 2019, rejetées par la droite et la majorité, la constitutionnalisation du droit à l'avortement revient sur le devant de la scène, portée par la Nupes et - étonnant revirement - la coalition Ensemble, composée notamment de Renaissance (ex-LREM).
Une proposition forte, en réaction à la révocation de Roe v. Wade par la Cour suprême ce 24 juin 2022, que la présidente du groupe des Insoumis à l'Assemblée nationale Mathilde Panot avait un temps suggéré être "cosignée par tous les groupes de la chambre basse", rappelle 20 Minutes.
Seulement, c'était sans compter sur l'imposante présence du RN dans l'hémycicle (89 député·es), dont les positions sur le sujet sont, bien qu'hétérogènes, pour beaucoup terrifiantes. Et ce malgré une "dédiabolisation" corriace et visiblement efficace du parti d'extrême-droite.
Sur la constitutionnalisation du droit à l'avortement, Marine Le Pen a répondu au Monde que "pourquoi pas" l'envisager. "Mais cette agitation ne me paraît pas justifiée. Nous ne sommes pas les Etats-Unis et aucun parti n'envisage de changer notre législation."
Sur Twitter, Jordan Bardella, président par intérim du RN, surenchérit : "Aucun mouvement politique sérieux ne remet en cause en France la loi Veil, acquis à protéger", estimant que le gouvernement "instrumentalise ce qui relève de la politique intérieure américaine pour faire diversion". Puis en profite pour replacer leur idéologie xénophobe du parti au centre de la conversation : "où sont ses plans d'urgence pour le pouvoir d'achat et contre l'immigration ?"
Pourtant, la crainte est légitime quand on examine les déclarations anti-avortement de certain·es député·es affilié·es RN. D'abord, Caroline Parmentier, considère que le droit à l'IVG n'est pas un droit des femmes. Ensuite, Hervé de Lépinau (Vaucluse) et Laure Lavalette (Var) ont signé en 2014 un appel à parrainer les candidats qui s'engageraient à abroger la loi sur l'avortement. Christophe Bentz (Haute-Marne) décrit quant à lui l'IVG comme un "génocide de masse".
Enfin, 3 eurodéputées RN désormais députées avaient voté contre une résolution de l'UE appelant à garantir "l'accès universel à un avortement légal et sûr", en 2021. Et rappelons qu'en 2012, Marine Le Pen elle-même entendait dérembourser les procédures qu'elle qualifiait d'"avortement de confort".
Dans un post étayé, la journaliste et autrice féministe Fiona Schmidt souligne par ailleurs que, bien que les systèmes politiques et judiciaires aux Etats-Unis et en France soient très différents, "les différences de ces systèmes ne constituent pas une immunité contre les dérives des sociétés qu'ils régissent, et qui sont actuellement traversés par des courants réactionnaires qui menacent explicitement les acquis des femmes et des personnes minorisées." Une crainte légitime, donc, et une urgence à laquelle il faut absolument remédier.