Que pensent les Français, et plus précisément, les parents d’élèves, du collège d’aujourd’hui ? La température est prise à l’initiative de l’Apel -l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre- et d’un sondage CSA rendu public ce matin. Résultat : un peu moins de la moitié des Français (46%) pensent que le collège fonctionne mal, tandis que 18% des parents d’élèves jugent qu’il fonctionne « très mal ». Comment expliquer ce désamour pour le collège alors que l’école élémentaire est plébiscitée par 71% des Français ? L’Apel avait convié spécialistes et parlementaires pour en débattre ce matin.
Le tri par l’échec : la sélection des élites
Première cause invoquée par cette enquête : l’échec de l’ambition d’une école Républicaine fondée sur l’égalité des chances. Pour 44% des sondés, le collège ne favorise pas l’égalité des chances, 51% pensent même qu’il entraîne surtout une sélection des meilleurs. Un constat éprouvé par la plupart des professeurs et spécialistes de l’éducation alarmés par le manque de solutions pour gérer les « décrocheurs ». Selon le député Nouveau Centre Yves Lachaud, « c’est une pure utopie de croire qu’on peut sortir 100% d’une classe d’âge au même niveau en même temps. Il y a 70% des élèves pour qui le collège se passe bien, les 30% restants ont toujours existé, mais ils ne sont pas assez aidés », et le député de noter que « tous les mineurs déviants de notre société sont des élèves en échec scolaire lors du passage 5e-4e ». D’où la lourde responsabilité des années collège…
La fin du collège unique ?
Egalement mise en cause par cette enquête : l’efficacité du collège unique. Les collégiens sont insuffisamment préparés pour la suite de leur scolarité et leur insertion professionnelle selon 52% des Français, et les moyens sont jugés insuffisants et surtout inadaptés aux besoins des enfants : ainsi 67% des Français (et 72% des parents d’élèves) souhaiteraient la fin du collège unique, pour une formule plus diversifiée. Par exemple, 68% des sondés estiment qu’un collégien devrait pouvoir suivre un cours de troisième en maths et un cours de cinquième en français si cela reflète vraiment son niveau dans chacune des matières.
« Les enfants ont tous une pointure différente, pourquoi devraient-ils passer par le même parcours ? Chaque enfant doit pouvoir avancer à son rythme et acquérir les connaissances indispensables en 3 ou 5 ans selon ses compétences », souligne André Giordan*, directeur du laboratoire de didactique de l’Université de Genève. Et le député UMP Xavier Breton d’évoquer l’idée finlandaise d’une 5ème année après la troisième, pour ceux qui ne sauraient pas s’orienter.
*Auteur de « Changer le collège, c’est possible », éditions Playbac.
Un examen à la fin du CM2
L’idée avait été émise et débattue sans suite l’hiver dernier à l’initiative de Jean-François Copé, le patron des députés UMP. Alors que la majorité des professeurs et des tests constatent la baisse du niveau à l’entrée en 6ème, 73% des sondés seraient pour l’instauration d’un examen d’entrée au collège. Plus de 8 Français sur 10 pensent en effet que beaucoup d’élèves maîtrisent mal les fondamentaux (lire, écrire, compter) en entrant au collège. Un constat qui fait peser le doute sur l’école élémentaire : peut-on lui faire confiance pour former les enfants ? Les efforts ne devraient-ils pas se recentrer sur les premières lacunes et difficultés, au risque de voir le collège accumuler les retards et les situations d’échecs ?
Le collège de demain
Si 81% des sondés se prononcent en faveur de parcours individualisés au collège, les spécialistes et les chefs d’établissements souhaiteraient eux, avoir une plus grande liberté pédagogique pour inventer le collège de demain. 53% des Français pensent que les jeunes s’ennuient au collège car ils sont plus indépendants et autonomes qu’avant. Pour Béatrice Barraud, la présidente de l’Apel, les nouvelles technologies pourraient être les instruments de la stimulation des élèves et d’un renouvellement des méthodes pédagogiques. Un argument en faveur d’un renforcement de l’autonomie des établissements, pour renouveler les projets et adapter le collège à un public de jeunes surinformés. « Le droit, l’économie et la philosophie devraient être enseignés dès le primaire », observe André Giordan.
La formation en question
Le débat achoppe bientôt sur l’archaïsme de la formation des professeurs : « Actuellement on recrute les profs sur les contenus, et non sur la personne, affirme André Giordan, or, on a besoin aujourd’hui de professionnels qui sachent parler aux élèves mais aussi aux parents ». Ces derniers estiment que les professeurs sont gênés par le trop grand nombre d’élèves par classe (42%), et par la contrainte de la discipline (26%). Peu préparés à faire face à la réalité de la classe dans leur formation universitaire –ils ne suivent toujours pas de cours de psychologie ni de cours de théâtre, regrette André Giordan-, les profs seraient aussi en mal de reconnaissance et de motivation. Outre la formation continue des enseignants, l’Apel inscrit dans ses propositions la revalorisation de leur salaire.
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