Que vous l'ayez découverte encore ado dans À la Maison Blanche, brune dans Mad Men ou blonde, coiffée d'une collerette et vêtue de rouge dans The Handmaid's Tale, elle ne vous a probablement pas laissé indifférent.e.
Elisabeth Moss, 35 ans, et presque autant d'années passées devant les caméra, est l'une des révélations de la nouvelle génération d'Hollywood. Jenji Kohan, la créatrice d'Orange is the New Black dit même d'elle qu'elle était la "Meryl Streep de notre génération". Ce n'est pas peu dire que la comédienne, auréolée en janvier dernier pour son rôle d'esclave sexuelle dans The Handmaid's Tale, suscite espoirs et exaltation à Hollywood.
Elle qui n'a jamais vu sa carrière au cinéma véritablement décoller brille désormais dans un genre qui a longtemps été méprisé par les grands du métier : les séries télévisées. Elisabeth Moss, elle, y a trouvé son terrain de jeu favori, celui où elle a pu, année après année, rôle après rôle, laisser grandir son talent. Depuis 1999, année où Aaron Sorkin lui a confié le rôle de la plus jeune fille du couple présidentiel incarné par Martin Sheen et Abbey Bartlet dans À la Maison Blanche (The West Wing), Elisabeth Moss n'a jamais chuté.
Comme si son plan de carrière était tracé dès son enfance. Née en 1982 à Los Angeles dans une famille de musiciens, la petite Elisabeth suit très vite les pas de ses parents : comme eux, elle sera artiste. Enchaînant dès son plus jeune âge les castings pour des publicités et des téléfilms, elle décroche, à dix, un rôle récurrent dans Picket Fences, une série dramatique pilotée par David E. Kelley (Ally McBeal, Big Little Lies). Remarquée pour son rôle d'adolescente borderline dans Girl, Interrupted, où elle donne la réplique à Winona Ryder et Angelina Jolie, c'est son rôle de Zoey Bartlet dans À la Maison Blanche qui la fait véritablement décoller. "C'était ma salle de classe", disait-elle au sujet de la série en 2015.
En 2007, un après la fin d'À la Maison Blanche, Elisabeth Moss décroche le rôle de Peggy Olson. De secrétaire timide et gauche, elle voit son personnage se muer en l'espace de sept saisons en une rédactrice-conceptrice de talent, sûre d'elle-même et bien décidée à prendre un jour la place de celui qui l'a embauchée et l'a formée, Don Draper. "Au générique de Mad Men, mon nom apparaît après celui de Jon Hamm, qui est la star. Mais quand j'ai tourné le pilote, je n'étais pas forcément dans cette position. Je suis en quatrième position sur la feuille d'appel. Mais Matt m'a mis deuxième au générique. J'imagine qu'il savait ce qui allait se passer", racontait-elle à Vulture en 2014.
Ce personnage féminin et féministe a marqué le public et contribué à forger son aura de comédienne engagée. "J'ai été féministe en termes de vision et d'attitude depuis que j'étais une jeune fille, j'ai passé sept saisons à jouer dans Mad Men où j'ai interprété ce que j'appellerais un personnage très féministe."
"Quand quelqu'un met le GIF de Peggy qui traverse le couloir portant son carton avec une cigarette à la bouche pour parler de la Journée internationale des droits des femmes ou de la campagne d'Hillary Clinton, je me dis toujours : 'Mince, c'est tellement cool'", expliquait-t-elle au Guardian en mai 2017.
Féministe : le mot est dit et même revendiqué. Et ce n'est pas les critiques quant à son appartenance – discrète - à la Scientologie qui pourront faire dire le contraire. Militante pour le droit à l'avortement, engagée dans le mouvement #TimesUp, elle cherche aussi à se faire un nom en tant que femme qui compte à Hollywood. "J'ai eu la chance d'avoir travaillé avec de grands hommes qui ont beaucoup de confiance en eux et qui n'ont pas ressenti le besoin de supprimer la voix des autres femmes, mais il est aussi vrai que parfois je suis entrée dans une réunion et j'ai été traitée comme "l'actrice" et rien de plus, et j'ai souvent été impliquée dans des productions où ils ont dit au début qu'ils ne voulaient pas que la femme soit le principal protagoniste.
Peut-être est-ce pour cela qu'elle a rejoint, en parallèle de son rôle dans Mad Men, le casting de Top of the Lake, réalisé par la seule cinéaste jamais récompensée de la Palme d'or au festival de Cannes : Jane Campion. Le temps de deux saisons, elle y campe le temps l'inspectrice Robin Griffin, chargée de résoudre des affaires dans lesquelles est frontalement abordée la question des violences faites aux femmes.
Mais c'est son rôle d'Offred dans The Handmaid's Tale, adaptation sérielle du roman La Servante écarlate de Margaret Atwood, qui fait éclater tout son talent. Son interprétation, intense et habitée d'une jeune femme réduite au rang d'esclave sexuelle et d'utérus sur pattes lui a d'ailleurs valu d'être primée aux Emmy Awards et aux Golden Globes.
En attendant la saison 2, attendue au printemps sur Hulu, Elisabeth Moss trace sa route. Aperçue dans les films très indé d'Alex Ross Perry (Listen Up Philip, Queen of Earth) et dans The Square de Ruben Östlund, Palme d'or à Cannes l'an dernier, elle interprétera bientôt Rosemary Kennedy, la fille aînée de la famille Kennedy dans un biopic signé Ritesh Batra. Soeur aînée de JFK, Rosemary Kennedy fut le "mouton noir" du clan Kennedy du fait de son léger retard mental. "Je veux continuer à travailler avec des réalisateurs et des acteurs qui vont m'exposer à de nouvelles idées et qui vont m'aider à grandir professionnellement et personnellement." Ce que je trouve le plus intéressant dans le métier d'acteur, c'est d'apprendre beaucoup sur moi et sur les gens En général, je pense que l'art est une expression de l'humanité et les meilleurs rôles pour moi sont ceux où les femmes sont représentées en tant qu'êtres humains pleins et complexes."