Qui êtes-vous, Demi Moore ?
Demi Moore, c'est tout un symbole, et un sex symbol - celui des années 80 et 90 - volontiers cerné par le "male gaze", dans des films pas toujours férocement pertinents - doux euphémisme - comme Striptease et Proposition indécente (des titres qui en disent long !)... Mais c'est aussi Ghost, Des hommes d'honneur et A Armes Egales, curieuse vision du féminisme (par un homme, Ridley Scott) qui nous suggère sans détour que botter des fesses et décocher des punchlines bien "couillues" aux côtés de mâles très virilistes fait forcément de vous une femme forte.
En fait, Demi Moore, c'est l'emblème d'une industrie hollywoodienne un brin schizo dans sa volonté d'ériger des symboles féminins tour à tour iconiques, caricaturaux, ambiguës (qui se souvient de Harcèlement, avec Michael Douglas ?), traversés de force ou... De sexisme. Et la star, qui a tout de même été dirigée par le réalisateur de Thelma et Louise (grande oeuvre féministe s'il en est) en est consciente. Mais ce qui la dérange par rapport à tous ces regards masculins s'est aussi directement passé...
Sur les plateaux !
Car l'actrice se souvient aujourd'hui du tournage d'une scène culte. Quand elle s'est baladée aux côtés de Cameron Diaz, Lucy Liu et Drew Barrymore, en bikini, sur la plage, pour Charlie's Angels 2. Elle avait alors 40 ans. Et déplore ce qui s'ensuivit...
Au tout début des années 2000, Demi Moore se retrouve effectivement en bikini pour une séquence mi sexy mi parodique du second opus de Charlie's Angels. La star a 40 ans tout juste, a déjà tourné pour Neil Jordan, Adrian Lyne, Barry Levinson, Woody Allen... Mais tout ne se passe pas super bien.
Elle en témoigne aujourd'hui dans le magazine Interview, dont elle fait la Une : "Ce qui est intéressant, c’est que j’ai fait l'objet de davantage de critiques lorsque j’ai atteint la quarantaine, avec ce film justement, qui a généré beaucoup de conversations très intenses autour de cette fameuse scène en bikini : des débats sur mon apparence, mon corps..."
Ce qu'évoque Demi Moore, ici, c'est du "body shaming", et surtout de l'âgisme : des remarques visant directement son âge, et toute la stigmatisation qui vise les femmes, une fois atteint le cap de la quarantaine, stigmatisation trop souvent synonyme d'exclusion. Comme si celles-ci ne pouvaient plus être "sexy" et le revendiquer. Comme si cela générait forcément une forme de malaise et de culpabilité. C'est évidemment un phénomène sexiste.
"En fait après ce film j’ai découvert qu’il ne semblait plus y avoir de place pour moi. J'ai même du prendre une pause, après la sortie du film. Car je me suis demandée : Quelle est ma place ? C’était une époque qui me semblait très creuse. Il y a eu un moment, je dois l’avouer, où j’ai commencé à me demander : est-ce vraiment ce que je devrais faire dans la vie ? Peut-être que cette partie de ma vie est terminée"
Résolution d'autant plus triste, pour ce film, Demi Moore a remporté le Razzie Award de la pire actrice dans un second rôle. Un "Oscar du pire" un brin cruel - surtout que Moore est loin d'être le plus évident défaut de cette suite dont l'état d'esprit n'a pas grand chose à voir avec les écrits de Simone de Beauvoir.