Société
Faut-il plaquer un partenaire qui ne partage pas ses convictions féministes ?
Publié le 11 septembre 2024 à 14:12
Par Clément Arbrun | Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Faut-il quitter celui ou celle qui minimise ou méprise la libération de la parole et les enjeux féministes ? Un grand débat se déploie dans l'actualité d'affaires particulièrement glaçantes.
#Mazan : Faut-il plaquer un partenaire qui ne partage pas ses convictions féministes ?
Faut-il plaquer un partenaire qui ne partage pas ses convictions féministes ? Le procès Mazan suscite un grand débat sur Twitter. Gisèle Mazan, victime de viols, sous soumission chimique, dix ans durant, par son mari, et des dizaines d'autres hommes, incarne une affaire éprouvante, traumatisante, en lien avec les grands enjeux #MeToo. Cependant, des internautes y vont de leur "Not all men". Comprendre : tous les hommes ne sont pas violeurs, agresseurs... Ce qui fait beaucoup réagir parmi la sphère féministe. Idem pour les réactions masculines autour de l'Abbé Pierre, accusé d'agressions sexuelles et de viols, par le prisme de trente témoignages... Pour de nombreuses internautes, ces réactions euphémisent les violences sexuelles. Ce sont des "red flags" : des motifs à rupture. D'après les conclusions du rapport établi par le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes cette année, 37 % des hommes considèrent le féminisme comme "une menace" en France. 37%, c'est une augmentation de trois points par rapport à l'année antérieure. Et ce alors que dans le même laps de temps, 92 % des Français reconnaissent que femmes et hommes sont traités différemment dans "au moins" un domaine de la société.
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Jean-Luc Godard disait qu'on peut tout à fait se séparer si l'on ne partage pas la même opinion sur un film : cette situation serait un indéniable motif de divorce ! 

Mais en est-il de même considérant les convictions féministes ? Prise en compte de la parole des victimes de violences sexistes et sexuelles, des enjeux féministes, de l'écoute, de tous les bouleversements engendrés depuis 2017 par le mouvement #MeToo... Si tout cela divise au sein d'un couple, celui-ci peut-il durer ?

Ou le doit-il ?... Sur les réseaux sociaux, c'est désormais un grand débat. Les raisons sont limpides. Elles émanent d'abord des réactions de certaines internautes masculins à propos des très nombreuses accusations déployées depuis juillet dernier à l'encontre de l'Abbé Pierre, décédé en 2007. Au gré des paroles recueillies, il est fait mention de gestes déplacés, d'attouchements, d'agressions sexuelles, de viols. 

Mais ce sont surtout les commentaires de certains à propos de "l'affaire de Mazan" ou "procès des viols de Mazan" qui font réagir. Pour rappel, Dominique Pelicot, actuellement au coeur d'un procès qui devrait faire date, est accusé d’avoir drogué son épouse Gisèle. Et ce, afin de la violer et la faire violer par des dizaines d’inconnus, alors que la victime était sous soumission chimique. 

Ces hommes qui en grande partie sont jugés à l'heure actuelle, ont été directement "recrutés" sur le web. Et ce pendant près d'une décennie, de juillet 2011 à octobre 2020. Les viols avaient lieu en grande partie au domicile du couple à Mazan, d'où l'intitulé de ce procès.

A l'évocation absolument glaçante de ces abus répétés cependant, et malgré le nombre impressionnant de violeurs, bien des internautes masculins rétorquent en substance sur Twitter : "Not All Men" : "Pas tous les hommes". comprendre, tous les hommes ne sont pas agresseurs, violeurs... Une actualité et une réponse qui engendrent discordes, punchlines, témoignages très personnels, et réparties fracassantes... 

On vous résume la chose.

Sur les réseaux sociaux, un grand débat sur la prise de conscience collective

"Not All Men".... Une expression raillée depuis longtemps par les militantes féministes, résumant la manière dont les hommes, sous prétexte de "ne pas généraliser", minimisent la réalité des violences commises. Et de fait, en éludant le sujet des violences patriarcales, éludent à l'unisson la parole des victimes.  

Les publications virales se multiplient à ce sujet. 

"Question à 1000 points, est-ce qu'un mec qui dit à propos de l'Abbé Pierre : 'oui, enfin, il est mort, il peut plus se défendre', et 'fallait parler avant !', on le largue?", "Réel je reçois des messages de meufs qui vont jeter leur mec parce qu'ils font du not all men et des réflexions de merde sur le procès Pélicot, bravo les meufs", "Quitter son gars parce qu’il fait du not all men devant l’affaire Mazan c’est totalement légitime. Et je pense que vous devriez les quitter pour moins que ça même", "ils scandent tous NotAllMen parce qu’ils ont peur qu’on les déteste et qu’ils n’aient plus d’occasions de coucher avec nous", peut-on lire sur Twitter. 

Des posts abondamment partagés et commentés. Ce n'est pas la première occurrence de ce débat. Il y a deux ans déjà, l'excellent podcast Les pieds sur Terre relatait l'histoire d'un couple "bousculé" par #MeToo ou plutôt d'un conjoint... Partisan de cet adage du "Pas tous les hommes". Et concluait : "la prise de conscience féministe de sa compagne apparaît aux yeux de Florent comme un discours contre les hommes, en particulier contre lui, qu’il ne comprend pas". 

Ainsi, l'engagement féministe est envisagé... Comme une menace, à caractère personnel, au sein du couple. Ce n'est malheureusement pas si étonnant si l'on en croit les dernières enquêtes chiffrées.

D'après les conclusions du rapport établi par le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes cette année, 37 % des hommes considèrent effectivement le féminisme comme "une menace" en France. 37%, c'est une augmentation de trois points par rapport à l'année antérieure. Et ce alors que dans le même laps de temps, 92 % des Français reconnaissent que femmes et hommes sont traités différemment dans "au moins" un domaine de la société.

Male tears, couple et constat : "aucun homme ne croit au 'not all men', sinon..."

Mais par-delà la grande pluralité des témoignages, la réponse collective à cette question - "faut-il se séparer ?" - semble unanime si l'on en croit les publications les plus relayées sur Twitter : OUI, euphémiser ou carrément ignorer les grands enjeux de société actuels serait un énorme "red flag". Comprendre, un "drapeau rouge", autrement dit un signal alarmant qui exige de fuir une relation ou de rompre sans plus attendre. Recommandation identique au sein des "date". 

Nombreuses sont les voix féminines à prescrire cette décision dans une démarche sororale - une initiative de solidarité féminine. A travers cette expression abondamment répétée de "not all men", retentit une autre : les "male tears", comprendre, les "pleurnicheries masculines". C'est un terme ironique qui met en évidence la manière dont les plaintes et apitoiements de certains hommes sur des sujets précis apparaissent bien dérisoires comparés à la multitude de discriminations et de violences inhérentes à la condition féminine... 

Des "male tears" qui là encore transparaissent volontiers dans le couple, et peuvent tout à fait venir alourdir la charge mentale des conjointes...

Rose Lamy, l'instigatrice du compte féministe Préparez vous pour la bagarre, analyse dans Télérama "le procès Mazan", et ses mots font écho aux réactions des internautes : "Je pense les hommes jugés en partie sincères quand ils affirment ne pas être fautifs. Cela grave dans le marbre l’idée que les violences sexistes et sexuelles ne sont pas le fait de monstres. Il ne s’agit pas de dire que derrière chaque homme se cache un violeur, mais que nous vivons dans un système qui a encouragé, et encourage encore, l’idée que l’on peut posséder le corps des femmes". 

"C’est peut-être notre procès #MeToo français. Le procès de Monsieur Tout-le-monde, de tous les citoyens, de tous les bons pères de famille. En refusant le huis clos, Gisèle Pélicot nous oblige à regarder la réalité en face : c’est notre société, ce sont nos familles"

L'autrice a également partagé un tweet éloquent : "Aucun homme sur terre ne croit au "not all men" Sinon ils laisseraient leurs potes sortir avec leurs sœurs, leurs enfants dormir chez d'autres hommes quand leurs femmes sont absentes, et prendraient des hommes pour babysitter leurs petites filles".

Mots clés
Société News essentielles #MeToo Agression sexuelle proces scandale
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