Une voix mélancolique, des rythmiques stimulantes, un style vestimentaire flamboyant, des clips lyriques comme il faut... Les mélodies de Griff cumulent des millions de vues sur YouTube. Elles envoûtent, nous donnent envie de rêver et de danser. Mais que cachent donc ces sons qui semblent être nés pour déboulonner les charts ?
Un parcours insolite, bien sûr. Celui de Sarah Faith Griffiths, plus connue sous son nom de scène, Griff. A seulement 19 ans, la jeune popstar britannique originaire du Hertfordshire produit sa propre musique. Mais pas seulement. C'est aussi elle qui conçoit la garde-robe et le make-up qu'elle arbore dans ses vidéos. Quant à ses clips justement, elle les supervise tous. Saluée par plus de 60 000 followers sur Instagram, Griff est est donc l'incarnation bondissante d'une nouvelle génération bien décidée à revendiquer son indépendance artistique. Elle est de tous les plans.
Indépendance de jeune créatrice qu'elle brandit depuis plus d'un an, qu'elle se plaise à créer un son pour une pub Disney, à reprendre du Taylor Swift ou à se produire en live pour le prestigieux Tate Museum de Londres. Aux sources de cet éclectisme musical, une passion authentique et beaucoup d'esprit d'initiative.
On rembobine sa petite histoire.
Sarah Faith Griffiths semble être devenue "Griff" en 2019, lors de sa signature chez le label Warner. Cette année-là, elle rencontre un premier succès avec Mirror Talk, introspection au rythme entêtant et au clip vidéo léché. Une reconnaissance qui - jolie synchronisation - suit tout juste la fin de ses exams de lycéenne. Un an durant, la chanteuse enchaîne donc les singles, entre créations originales, collabs punchy - avec le DJ Zedd notamment - et reprises. Le temps d'une cover, elle va même jusqu'à rendre hommage à Eternal Flame, l'un des hits des Bangles. Difficile d'être plus girl power.
Mais si son ascension au sein de l'industrie est toute récente, sa passion, on s'en doute, est beaucoup plus précoce. Née d'un père jamaïcain et d'une mère chinoise, la post-ado se découvre bien avant le bahut un amour des mélodies. Elle n'a que huit ans lorsqu'elle s'éclate à écouter les sons de l'Américaine Taylor Swift. Très vite, la jeune fille télécharge des logiciels sur son ordi portable, histoire d'apprendre la création musicale. Entre deux enregistrements en amatrice, elle visionne une flopée de tutoriels YouTube afin de peaufiner ses aptitudes techniques.
On devine déjà là tout le stakhanovisme qui fera sa singularité, et la poussera ensuite à garder un oeil sur tout : la production, l'écriture, mais aussi les fringues, le maquillage... Autant d'éléments propres au personnage que cette fan revendiquée de Stevie Wonder se crée sur scène et lors des tournages. Un personnage très proche de ce que l'artiste est dans la réalité, entre doutes de soi et assurance certaine.
Dans les pages du magazine culturel The Face, qui la consacre "nouvelle dame de la pop à suivre", elle s'étonne de l'intérêt des maisons de disque tout en l'affirmant sans détour : "J'ai su que la musique constituerait ma carrière dès mes 17 ans".
CQFD.
Aujourd'hui, public comme critique reconnaissant à l'unisson la fraîcheur de son art. Il faut dire que ses séduisantes chansons portent en elles quelque chose d'intensément générationnel. Il suffit de porter l'oreille aux paroles de Mirror Talk pour s'en convaincre. Au gré de ce mélo doux-amer, il est question de rupture et de narcissisme, de solitude et d'introspections spleenétiques. Le tout sur un rythme plus feelgood que réellement mélancolique.
Mais ce lien certain avec la jeune audience qui l'écoute se ressent particulièrement en interview. Notamment lorsque le site lifestyle I-D l'interroge sur son rapport aux miroirs. Car l'interprète de Mirror Talk ne les portent pas dans son coeur. "Les miroirs sont offensants. Si vous vous sentez - ou si vous vous considérez - comme de la merde, quand vous vous regardez dans un miroir, vous ne verrez que ça. Et c'est très préoccupant", déplore-t-elle. Si elle peaufine les choix du moindre bout de tissu qu'elle porte dans son art, Griff n'a pourtant aucun mal à évoquer les complexes physiques que peut éprouver la génération Z.
Et à l'instar de cette dernière, elle semble à la fois légèrement narcissique et tournée vers le monde. A The Face toujours, elle confesse son désir de s'afficher en Une des magazines ("C'est peut-être narcissique, mais je n'ai jamais été en couverture de The Face !"), tout en partageant une conviction intime bien plus forte : "je suppose que tous les artistes, de nos jours, devraient représenter quelque chose, être ouverts aux problèmes de notre monde. En quelque sorte, chaque artiste sauve un peu le monde, en permettant aux autres de s'évader".
Mais pour l'instant, Griff n'a pas vraiment le temps de sauver le monde. Elle vient d'achever une année plutôt mouvementée, notamment marquée par la diffusion d'une publicité de Noël où résonne l'une de ses plus émouvantes chansons, Love Is a Compass. Et pas n'importe quelle pub, non : une pub Disney. Rien de mieux pour faire découvrir la voix tantôt lyrique tantôt intimiste de la chanteuse à une plus large audience.
Loin de la simple commande commerciale, Love Is a Compass cumule ses thèmes fétiches : amour bien sûr, mais aussi solitude, introspection et quête de sens, le tout nimbé d'une légère poésie - "Je suis juste là à côté de toi / Comme une carte de tes souvenirs", y entend-t-on. Comme souvent, Griff trouve le ton juste. Pas de quoi surprendre ses fans, comme le magazine musical NME, qui voit en elle un véritable "phénomène de la pop".
Et l'étoile filante poursuit sa lancée de plus belle. A NME toujours, elle avoue être un peu "control freak" sur les bords. Mais aussi craindre l'amour et l'amitié, tous ces liens de confiance qui "vous rendent plus dépendante auprès de quelqu'un". La dépendance, Griff n'aime pas cela, qu'elle soit sentimentale ou artistique. Elle a raison : sa liberté lui a plutôt réussi jusque là. Et ce n'est certainement pas la nouvelle année qui nous contredira.