On a peine à y croire tellement ça sent la naphtaline, mais la Constitution Irlandaise qui date de 1937 contient deux dispositions qui consacrent le rôle de la femme au foyer. L'article en question est le numéro 41 alinéa 2. Les deux paragraphes qui le composent sont les suivants : "En particulier, l'État reconnaît que, par sa vie au foyer, la femme apporte à l'État un soutien sans lequel le bien commun ne peut être atteint" et "l'État, par conséquent, s'efforce de veiller à ce que les mères ne soient pas obligées par les nécessités économiques à travailler en négligeant les devoirs de leurs foyers."
Après un vote pour légaliser l'avortement le 25 mai dernier, où le oui avait recueilli plus de 66 % des voix, l'Irlande a lancé un nouveau référendum pour supprimer ces deux paragraphes. Il sera organisé le même jour que l'élection présidentielle prévue cet automne. Charlie Flanagan, le ministre de la Justice et de l'Égalité irlandais, a déclaré dans un communiqué : "Plus de 80 ans après son adoption formelle, il est clair que cet article 41.2 n'a plus de place dans notre Constitution.[...] Il nuit à l'objectif actuel de parvenir à l'égalité véritable entre les genres en garantissant aux femmes de disposer de choix réels sur ce qu'elles veulent faire de leur vie." Pour Leo Varadkar, le Premier ministre irlandais, cet article de la Constitution n'est plus à l'ordre du jour dans l'Irlande moderne.
Dans un rapport de la Commission Irlandaise pour les Droits Humains et remis à l'ONU en 2017, la commission soulignait : "Les femmes et les filles expriment souvent le point de vue que les stéréotypes traditionnels des rôles de genre et les préjugés impactent défavorablement leur vie." Plus loin, ce rapport note que l'article 41.2 est une "preuve de ce genre de stéréotypes" parce que le texte "sous-entend que les femmes occupent le rôle de parent qui a le plus de temps de garde à la maison." A la suite de ce rapport, l'ONU avait appelé l'Irlande à supprimer l'amendement 8 de la Constitution qui limitait l'accès à l'avortement mais également à supprimer cet article 41.2 : "C'est un langage stéréotypé du rôle des femmes à la maison."
Lors de la même consultation, l'Irlande proposera la suppression de "blasphème" (autre vestige de la tradition catholique irlandaise) de la Constitution. Les personnes jugées pour cette raison risquent plus de 25000 euros d'amende. L'Irlande devrait quand même conserver pour l'instant l'introduction de ce texte qui fixe les grandes lignes de sa République : "Au nom de la Très Sainte Trinité, de laquelle découle toute autorité et à laquelle toutes les actions des hommes et des États doivent se conformer, comme notre but suprême, Nous, peuple de l'Irlande, reconnaissant humblement toutes nos obligations envers notre seigneur, Jésus-Christ, qui a soutenu nos pères pendant des siècles d'épreuves." La République d'Irlande avance dans la modernité et le 21e siècle, à son rythme.