Aimeriez-vous retourner vivre chez vos parents ? C'est ce qui arrive à Alexandra Lamy dans Retour chez ma mère, chronique de cette génération boomerang obligée de réintégrer le cocon familial sur fond de crise économique. Voici donc la dynamique quarantenaire contrainte de subir les tubes de Francis Cabrel en boucle de sa maman, de survivre dans un appartement surchauffé et de se farcir des parties de Scrabble. Derrière l'apparente légèreté, la comédie de Éric Lavaine délivre une étude tendre et moderne sur ces deux générations qui s'entrechoquent et un regard doux-amer sur la famille et ses non-dits.
Nous avons rencontré Josiane Balasko, parfaite en pétulante matriarche et sa fille de cinéma, Alexandra Lamy, pour aborder ces thèmes très contemporains. Interview croisée entre deux comédiennes solaires qui prouvent qu'il y a bien une vie après 40 ans au cinéma.
Alexandra Lamy : Oui, c'est ça que j'ai trouvé super dans ce film. C'est génial quand on arrive à faire des comédies avec des sujets de fond.
Josiane Balasko : C'est exactement comme dans les comédies italiennes dans les années 70. On part d'un problème de société et on va en faire un film dans lequel on rit avec des choses qui ne sont pas forcément drôles, avec des moments d'émotion. Et c'est là que ce film est réussi : on parle d'un vrai sujet de société, de ce rejet de ces adultes qui se retrouvent à la rue et qui n'ont d'autres choix que de retourner chez leurs parents.
A. L : Et cela parle aussi de sujets modernes comme une maman qui a aussi une vie de femme. Ce sont des sujets dont on parle peu mais qui sont très intéressants.
A.L. : Ce sont deux femmes épanouies. Car Josiane, tu n'es pas qu'une maman, tu es une femme libre, épanouie, qui prend soin d'elle...
J.B. : Oui, mais c'est une petite bourgeoise qui vit dans un petit cadre, qui monte son chauffage, qui a son chat... Elle a des rites que je n'ai pas. Je vis dans un bordel immense, je joue des jeux vidéo à la con toute la journée et je ne mens pas, contrairement à mon personnage. Ca n'est pas dans ma nature.
A.L. : Moi, j'ai pu me retrouver dans ces relations mère-fille, comme lorsque j'explique Internet à ma maman, les dîners de famille, découvrir que ma mère a aussi une vie de femme alors que je ne pouvais pas l'imaginer deux secondes... Ce sont des trucs dans lesquels je me retrouve complètement !
J.B. : C'est un mouvement extrêmement important. Mais je me méfie des mots en "iste" et des définitions qui peuvent en être faites. Le féminisme est un mouvement primordial car les droits de la femme régressent partout, dans les pays sous-développés et ne parlons même pas des Emirats où ils n'existent pas... Il faut être toujours vigilant. Et le féminisme est important pour préserver ces droits qu'on a chèrement acquis et qui ne le sont jamais définitivement. Je suis féministe, mais je ne me revendique pas avec une étiquette au-dessus de la tête.
A.L. : Quand on me demande si je suis féministe, je n'aime pas trop car c'est un extrême... J'ai l'impression d'être contre les hommes quand je dis que je suis féministe alors que pas du tout ! C'est juste le fait d'acquérir des droits qui nous sont dus.
J.B. : En tout cas, je peux vous dire que 66 ans est le nouveau 56 ans ! (rires)
A.L. : Les femmes font des études beaucoup plus longues , certaines jeunes femmes finissent leurs études à 28 ans. Avant, on faisait des enfants à 20 ans, maintenant, on les fait plutôt à la trentaine. Il y a un décalage qui est en train de se faire...
J.B. : Quand j'étais petite, on prenait sa retraite à 65 ans et à 70, il n'y avait plus personne, ils étaient morts. Alors que maintenant, à 70 ans, on est encore pas mal ! Dans notre métier, la plupart des actrices, qui sont des vedettes sur lesquelles on peut monter un film, ont plus de 65 ans. Catherine Deneuve étant la plus célèbre, Nathalie Baye, Isabelle Adjani, même si elle est un peu plus jeune (60 ans Ndlr)... Nous avons de la chance de pouvoir travailler à plus de 60 ans. Et c'était inimaginable il y a encore 30 ans. Par exemple, Bardot a arrêté de travailler à 36 ans, en disant qu'elle ne voulait pas être une vieille star dégoulinante.
J.B. : Je parle en mon nom et je pense que je peux parler aussi en celui d'Alexandra, car elle n'est pas dans les normes de la jeune première. Elle ne l'a jamais été, tout comme sa soeur. Et moi encore moins ! On a eu ce gros avantage de ne pas avoir été cataloguées et de ne pas avoir eu à tenir un rôle qui très vite se serait délité. On a été épargnées d'un physique trop parfait. Et en plus, on a eu la chance d'être drôles ! Jugnot me disait quand on avait la vingtaine : "Nous, tu vas voir, notre carrière va décoller à partir de 30 ans... ". Il faut dire qu'il a toujours fait vieux, il n'avait déjà plus de cheveux à 25 ans ! (rires) Et c'est vrai qu'on a pu évoluer sans être en prise avec des canons de beauté, sans se faire refaire les pommettes, les seins, le cul et la bouche ! Et heureusement, notre système français permet ça, parce que quand tu regardes aux Etats-Unis, les actrices sont obligées de se faire lifter pour durer et cela devient terrible.
A. L : Oui, et en plus, on ne pense pas à notre physique. Je me suis toujours foutue de mon apparence. Par exemple, je sais qu'il y a des actrices qui ne veulent pas jouer des mères parce qu'elles ont l'impression que ça les vieillit.
J.B. : Souvent, ce sont celles-là qui étaient des "jeunes premières" et qui ont commencé dans un moule. C'est dommage de ne pas avoir assez confiance en son jeu d'actrice pour ne pas avoir à se passer de ce genre d'obsession du physique...
Retour chez ma mère, un film de Eric Lavaine avec Josiane Balasko, Alexandra Lamy, Mathilde Seigner... Sortie le 1er juin 2016