Il y a des campagnes mode qui marquent par leur esthétisme, l'âme de la griffe que l'on retrouve jusque dans les moindres détails des clichés, le talent du mannequin qui, par sa présence et ses gestes, donne vie aux tenues sur papier glacé. Et puis, il y en a qui laissent perplexe. La dernière de la maison Jacquemus, pourtant réputée pour savoir célébrer les femmes, en est un exemple flagrant.
Pour illustrer sa nouvelle ligne baptisée "La Montagne", le créateur français a choisi la top model Kendall Jenner, avant-dernière du clan Kardashian-Jenner. Une collaboration qui signe, en plus de sa présence au défilé de la Fashion Week automne-hiver 2022, le retour de la star sur la scène mode, celle-ci ayant été "confinée" outre-Atlantique jusqu'il y a peu pour des raisons évidentes.
On s'attendait donc à ce que cette association, immortalisée par le photographe new-yorkais Drew Vickers, donne quelque chose d'impactant, d'explosif, de révolutionnaire - ou juste de très joli. Pas vraiment.
A la place, on a découvert Kendall accrochée à une cordelette façon Miley Cyrus dans le clip de Wrecking Ball, corps photoshoppé comme jamais et regard dans le vide. Sur elle, rien d'autre que quelques accessoires. Un sac griffé à chaine dorée, des grandes créoles, des mules. Et une paire de chaussettes arrivant aux genoux, histoire qu'elle n'ait pas trop froid sur son perchoir. Sinon, entièrement nue. Et une question nous brûle les lèvres : pourquoi ?
Pourquoi s'inspirer des pires pubs des années 80, qui utilisaient le corps des femmes dans leur plus simple appareil pour vendre tout et n'importe quoi, plutôt que de réaliser une photo qui aurait davantage de personnalité, véhiculerait davantage d'émotions ? Pourquoi céder aux sirènes des retouches en masse dans une ère où l'on essaie justement de se débarrasser de ces carcans sexistes ?
Pourquoi, finalement, valider une image où l'expression de son modèle semble trahir une lassitude, un ennui mortel, la claire envie d'être ailleurs, voire... une certaine soumission ? Alors qu'une autre position, un autre air, une autre mise en scène (et un corps moins lisse) auraient pu rendre le cliché nettement plus fort - tout en conservant la nudité, si vraiment il le fallait.
Rien de très puissant ni d'innovant, tout de dépassé. On est loin de la série drôle et vintage façon années 90 avec Laetitia Casta, aussi estampillée Jacquemus et diffusée il y a quelques mois seulement.
Sur les réseaux sociaux, l'accueil est mitigé. Il y a celles et ceux qui louent le "nu artistique", d'autres qui fustigent le peu d'innovation du résultat, et l'objectification (incessante) du corps des femmes.
"C'est pour faire vintage que vous avez choisi de représenter une femme-objet suspendue à un fil, habillée en rose, et ultra-photoshopée ? Ou juste par sexisme assumé ?", lance une internaute. "'Trop hâte de grimper à un arbre avec ce sac' EST EXACTEMENT la première pensée que j'ai quand j'achète un sac Jacquemus", ironise une autre.
Le mot de la fin, simple et concis, revient à Clarence Edgard-Rosa, fondatrice du génial magazine féministe Gaze. "Qui a le time pour ces mises en scène du corps féminin à la mords-moi le noeud sorties du pire des années 80 ?" Clairement, pas nous.