L'avancée est historique. Le président sortant Goodluck Jonathan, qui a laissé sa place le 29 mai à Muhammadu Buhari élu en mars dernier, a choisi de finir son mandat à la tête du Nigeria par un acte fort : l'interdiction de l'excision et autres pratiques regroupées sous le nom de mutilations génitales féminines (MGF).
Le gouvernement nigerian, qui qualifiait cette avancée d'"extrêmement importante", a ainsi introduit une nouvelle loi fédérale le 5 mai dernier. Le texte, tel qu'il a été voté par le Sénat, vise à bannir la pratique consistant en l'ablation totale ou partielle des organes génitaux féminins externes. Il prévoit également, dans une volonté plus générale de mieux protéger les plus faibles, de pénaliser les hommes qui abandonneraient femmes et enfants sans leur fournir de soutien financier.
Le vote et la signature de cette loi marquent une avancée considérable pour le Nigeria qui, avec plus de 177 millions d'habitants, compte 25% de femmes (entre 15 et 49 ans) victimes de mutilations génitales, selon un rapport des Nations Unies paru en 2014. La pratique, qui peut aller de la scarification à l'ablation totale du clitoris et des lèvres, voire à la suture de ces dernières, peut entraîner de sérieuses complications chez celles qui les endurent : hémorragies, infections urinaires, perte de sensation, infertilité...
En tant que pays le plus peuplé du continent, le Nigeria vient ainsi de lancer un signal fort à destination des autres pays africains également concernés par le phénomène. Car si cette interdiction a été accueillie avec enthousiasme par de nombreux acteurs de la communauté internationale, les mutilations génitales féminines ne tombent pas sous le coup de la loi dans plusieurs pays comme le Liberia, le Soudan ou le Mali.
Pire, le Nigeria est loin d'être le pays le plus touché par ce phénomène. Selon un rapport de l'UNICEF paru en octobre 2014, une écrasante majorité de femmes (plus de 90%) subissent ces mutilations dans des pays comme l'Egypte, la Somalie ou encore la Guinée.
Une situation d'urgence que souligne Stella Mukasa, directrice "genre, violences et droits" au Centre International de Recherches sur les Femmes, citée par le Guardian : "Il est crucial d'intensifier les efforts pour changer les conceptions culturelles traditionnelles qui sont une forme de violence envers les femmes".
Briser les tabous donc, c'est à cette seule condition que les attitudes pourront changer. Un argumentaire repris par Tanya Barron, responsable de l'organisation Plan-UK qui lutte contre les mutilations génitales féminines. "Il est encourageant de voir le Nigeria voter cette loi. Mais l'expérience nous montre que c'est seulement en changeant les attitudes - et non juste les lois - que nous en finirons avec les MGF".