En 2013, les Français ont consommé en moyenne 75 millions de burgers, 30 millions de pizzas et 91 millions de sandwiches par mois, selon une étude NDP. Tous circuits confondus, il se vend aujourd'hui quasiment autant de burgers que de sandwiches dans l'Hexagone (900 millions pour le premier et plus d'un milliard pour le second). Alors que la restauration rapide tient chaque année davantage le haut du pavé en matière d'alimentation, nous nous retrouvons dans un environnement où les calories "grasses" et "sucrées" sont omniprésentes.
Dans ce contexte, pas étonnant de voir exploser, depuis pas mal d'années, le nombre de publicités vantant les mérites de ce qu'on appelle, depuis les années 1980, la malbouffe. A ce petit jeu, les chaînes de fast food sont passées maîtres dans l'art de sublimer le burger et autres délices riches en graisse. Le tout, paroxysme de la contradiction culinaire, sur fond de messages sanitaires comme l'impose la loi française depuis le 28 février 2007 qui a érigé en règle le sacro-saint "Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé".
Mais à y regarder de plus près, un détail nous interpelle. En matière de "junk food", la publicité réutilise invariablement les mêmes codes un brin sexistes. Rares en effet sont les pubs dont le message semble s'adresser aux estomacs de ces dames, les marques privilégiant d'emblée une cible majoritairement masculine, prête à se taper des kilos de viande sauce barbecue. Résultat : une avalanche de clichés aussi bien sur l'écran que dans la rue.
La chaîne Carl's Jr. a d'ailleurs récidivé en pondant en 2014 une pub laissant entendre que, pour avaler un bon burger, mieux vaut être un bon gros bonhomme.
La campagne publicitaire ci-dessus, menée par Burger King en 2009, avait d'ailleurs suscité l'émoi sur la toile. La mise en scène pour le moins équivoque – une jeune femme bouche grande ouverte devant un long sandwich – avait choqué nombre d'internautes, parmi lesquels le modèle en question. La jeune femme avait ainsi publié une vidéo sur YouTube, en dénonçant les méthodes discutables de la chaîne qui avait utilisé le cliché dans un montage sans son accord. "C'est une publicité pour la fellation ou un fast food ?", avait-elle lancé à l'adresse de la marque.
La malbouffe, un plaisir coupable par les hommes et pour les hommes ? A l'évidence, non. Loin des présupposés publicitaires en vogue, la "junk food" concerne, dans les faits, aussi bien les hommes que les femmes. Que celle qui n'a jamais connu le plaisir d'ingurgiter un bon gros Big Mac nous jette la première pierre. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) nous le rappelle d'ailleurs à sa manière en expliquant, dans l'étude INCA 2 sur les consommations alimentaires, que "l'obésité touche de manière équivalente hommes et femmes et atteint 11,6% de la population adulte".
Seul détail : la malbouffe est une notion large qui englobe bien plus que le simple menu Best Of du MacDo du coin de la rue. Et en la matière, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne quand il s'agit de passer à table. Les habitudes alimentaires varient en effet grandement selon les situations sociales, les âges et donc le sexe. Dans cette dernière catégorie, hommes et femmes sont alors loin d'être sur un pied d'égalité. Contactée par Terrafemina, la nutritionniste Béatrice de Reynal nous explique quel rôle joue notre sexe dans ce phénomène.
Terrafemina : Avant de parler de malbouffe, quelles différences fondamentales existe-t-il entre hommes et femmes en matière d'alimentation ?
Béatrice de Reynal : Les hommes et les femmes ne sont pas pareils d'un point de vue nutritionnel, physiologique et comportemental. Nous n'avons pas la même composition corporelle donc pas les mêmes besoins nutritionnels, quelque soit l'âge. Ne pas considérer cela serait une erreur fondamentale.
De ce point de vue, il y a donc une alimentation qui va mieux aux hommes qu'aux femmes. N'ayant pas les mêmes besoins, nous n'avons pas les mêmes comportements ou envies, ni les mêmes torts ou bonnes pratiques. Ainsi, la façon de considérer la nourriture diffère grandement selon que l'on est un homme ou une femme.
Quelles sont ces comportements qui diffèrent en fonction du genre ?
A titre d'exemple, l'objectif d'un homme, quand il passe à table, est de ne plus avoir faim, ce qui est un objectif strictement énergétique. Tandis qu'une femme va avoir des objectifs autres que la satieté : garder un ventre plat ou ne pas prendre de poids, entre autres.
De même, en matière de goût et de dégoût, à la question "Pourquoi n'aimez-vous pas tel aliment ?", un homme se contentera souvent de répondre "parce que je n'aime pas ça", sans plus d'explications. Une femme décrira en revanche par le menu les raisons de son dégoût. La femme intellectualise beaucoup plus la nourriture que l'homme.
Notre comportement alimentaire est guidé par des besoins physiologiques. Les hommes sont ainsi souvent attirés par les denrées assez denses car ils ont des besoins énergétiques importants. Ils apprécient ainsi plus que les femmes les charcuteries, les frites, les viandes rouges etc. Et sont beaucoup moins attirés par les aliments très peu denses nutritionnellement, comme les fruits et légumes ou bien le poisson. Ils vont rechercher une efficience car ne veulent pas perdre de temps à table. Les femmes sont moins attirées par la viande rouge, mais plus par les fromages, en raison d'importants besoins en calcium, les salades et les légumes. Il y a donc un véritable clivage de genre dans les choix alimentaires.
Quel impact ces différences ont-elles en matière de malbouffe ?
Considérant la malbouffe, les femmes ont des défauts que les hommes n'ont pas et réciproquement. Quand on parle de "junk food", il ne faut pas simplement considérer comme tel le prototype du menu McDonald's. D'autres types d'aliments peuvent être englobés dans ce terme. L'homme est ainsi attiré par les frites, les snacks, les chips ou les barres chocolatées. La femme va elle tomber dans trois travers : le chocolat, les fromages et les confiseries. Elle est ainsi moins séduite par la viande mais aura davantage envie de sucré ou de produits chocolatés.
On sait, grâce à un certain nombre d'études, que les hommes ne sont pas très bons en vitamine C et E, que l'on retrouve typiquement dans les fruits et légumes. La femme est elle pratiquement toujours déficiente en fer, en magnésium ou en zinc, des nutriments que l'on retrouve dans la viande ou les produits céréaliers complets.
Peut-on dire que la malbouffe concerne tel sexe plutôt que l'autre ?
A l'évidence, on observe une masculinisation forte de la nutrition liée à des excès de poids mais aussi à une recherche d'un équilibre de vie. Mais on reçoit désormais autant d'hommes que de femmes, alors que la patientèle était auparavant très féminine.
Pour ce qui est de la malbouffe, je pense avoir tout vu. Aussi bien des femmes très jolies qui ne mangeaient jamais un légume, voire mangeaient très mal, que des hommes qui prenaient grand soin de leur alimentation. Plus qu'une question de genre, il s'agit avant tout d'une question de physiologie et d'éducation alimentaire.