« Les hommes pensent que les filles devraient boire de la bière fruitée ou légère ». C'est par ce constat plutôt amer qu'Elin Carlsson, 25 ans, revient sur l'histoire de Fem Ale, un rassemblement de femmes que cette jeune suédoise a créé il y a maintenant deux ans autour de la bière.
A l'origine, une histoire de sexisme ordinaire racontée par l'une de ses amies serveuse dans un bar de Göteborg, au sud du pays : « Souvent, des hommes s'adressaient à moi au comptoir en demandant 'Est-ce que je peux parler à quelqu'un qui s'y connaît en bière ?' ». La jeune femme répondait alors pouvoir aiguiller sans problème les assoiffés en quête de nouvelles saveurs... avant de se retrouvée confrontée au regard de clients dubitatifs.
C'est alors qu'Elin Carlsson a lancé son groupe sur Facebook, « Fem Ale - Social Beer Drinking ». Objectif : donner aux femmes quelques bonnes adresses du pays en matière de bière artisanale et organiser des ateliers de dégustation où ces messieurs ne sont pas les bienvenus. Très vite, l'idée fait mouche. Des dizaines de jeunes femmes ou mères de famille s'inscrivent pour participer à ces réunions 100% mousse, 0% hommes. Une atmosphère plus propice, selon Elin, à la discussion autour du houblon : « Beaucoup de femmes posent des questions à propos des produits qu'on teste (...) Elles avouent d'ailleurs qu'elles ne les auraient pas posées si elles avaient participé à ces dégustations avec des hommes ».
FemAle s'oppose ainsi à des décennies de préjudice dans le vaste monde de la bière. A l'heure où Carlsberg et autres brasseurs de renom dépensent des milliards de dollars pour tenter d'approcher une cible féminine à grand coup de bière « light », le groupe adopte une approche radicalement différente, en invitant chacune à expérimenter différentes saveurs qu'elles n'auraient peut-être pas essayé d'elles-mêmes. « Ce processus éducatif est le moyen 'd'attirer plus de filles dans le monde de la bière' », commente The Guardian citant le groupe Fem Ale.
Des membres de Fem Ale en plein brassage de leur bière
De la dégustation à la confection, il n'y a qu'un pas que la joyeuse troupe a franchi il y a quelques mois. Après s'être associé à un brasseur local de Göteborg, les amatrices de bière ont élaboré leur propre recette. « On a brassé une bière blonde légère », raconte Elin Carlsson, « C'est très rafraîchissant ». Nom de code du breuvage : We Can Do It (« On peut le faire »), comme un pied de nez adressé à tous ceux qui pourraient encore douter de la volonté de ces Suédoises pleines d'ambition.
Après avoir obtenu l'aval du gouvernement suédois pour distribuer leur produit, les Fem Ale ont commercialisé depuis quelques semaines leur bouteille dans tout le pays. Sur la boisson, le célèbre visuel revu et corrigé de « Rosie la riveteuse », issu d'une campagne menée durant la Seconde Guerre mondiale, et devenu le symbole du pouvoir des femmes dans le monde du travail.
Féministe la bière suédoise ? Pas du tout selon Elin Carlsson : « We Can Do It n'est pas une bière de femme, mais une bière brassée par des femmes et que tout le monde peut boire. Cela n'a rien à voir avec du féminisme. C'est une affaire d'égalité, on voulait montré qu'on était capable de le faire ». Mission accomplie, à la vôtre.