Lorna McGuire vit à Leicester, au Royaume-Uni, avec son mari, son fil et sa fille de 8 ans, Paddy. Mais ça n'a pas toujours été comme ça. Il fut un temps où Lorna avait deux fils, avant que le plus jeune comprenne qu'il n'était pas un garçon, mais une fille née dans le mauvais corps. Lorna l'a compris lorsqu'elle a offert sa première robe à Paddy à 5 ans, après des années de supplications.
Lorna raconte ce passage à BuzzFeed News :
"À deux ans, elle se promenait dans la maison avec des colliers et des sacs à main et des serviettes sur sa tête pour simuler des longs cheveux. À partir de trois ans, elle a commencé à me supplier de lui acheter une robe. (...) Dès qu'elle a enfilé la robe, c'est là que j'ai su. Ça a été une révélation. Une ampoule s'est allumée au-dessus de ma tête. Dès qu'elle a enfilé la robe et que j'ai vu son visage, des larmes se sont mises à couler de mes yeux, et j'ai su. Son visage s'est illuminé. Elle était si heureuse, je ne l'avais jamais vu aussi heureuse de ma vie."
Lorna a donc dû apprendre à faire le deuil de son fils pour accueillir sa première fille. Pour mettre des mots sur ce qu'elle ressentait et faire en sorte que sa fille puisse également les comprendre, elle a donc rédigé un joli poème (dans lequel "chenille" est accordé au masculin, ce qui pose quelques soucis de traduction) :
"J'avais une petite chenille, bleue et mignonne
Qui me faisait beaucoup penser à toi
Je l'ai aimée et nourrie, je me suis occupée d'elle,
Mais elle voulait changer,
J'ai dû suivre sa volonté.
J'ai aimé et soutenu, tout en me demandant pourquoi,
Jusqu'au jour où mon fils m'a dit au revoir,
Tu as enveloppé ton cocon de soie,
Tu as tissé ta toile et dit ta formule,
L'intérieur de ton âme a brillé,
Et le vrai toi est arrivé.
J'étais impressionnée, que pouvais-je penser d'autre ?
Plus de petit garçon timide au coeur qui chavire,
Mais un merveilleux papillon, sonore, fier et rose
Parfois mon petit garçon-chenille me manque,
Mais ma fille-papillon remplit mon coeur de joie."
Difficile de mieux exprimer ce qu'une mère ressent face à la transition de son enfant, à la découverte de ce qu'il est vraiment au fond de lui, en dépit du genre qu'on lui a assigné à la naissance. Il y a effectivement cette douleur face à la perte d'un enfant et la joie qui découle de la découverte d'un nouvel être, épanoui, heureux, enfin capable d'exprimer physiquement ce que son esprit lui dicte depuis la naissance.
Lorna et sa famille font l'objet d'un documentaire diffusé sur la chaîne britannique Channel 4, intitulé My Transgender Kid qui suit deux familles aux destins similaires et qui nous montre comment se déroule une telle découverte au sein d'une famille : ce que ça implique pour ses membres et pour l'enfant concerné et comment se gère la transition, le passage du doute à la confirmation, et comment on fait pour rendre son enfant heureux et lui permettre d'être pleinement lui-même, dans un contexte encore difficile pour les personnes transgenres.
Et si la parole se libère enfin autour de cette problématique et que de plus en plus de personnes transgenres s'offrent une véritable représentation, loin des clichés, des stéréotypes et des images déformées par les esprits étriqués, il reste encore beaucoup de route à faire.
Mais Paddy et les autres enfants transgenres comme elles sont encore jeunes et on peut espérer que d'ici à ce qu'ils atteignent l'âge adulte, les choses auront bel et bien changé et ils nous regarderont comme une génération aux idées poussérieuses et archaïques, comme nous le faisons avec nos ancêtres sur d'autres questions.