La famille, on en a qu'une. Elle est parfois envahissante ou carrément absente, mais c'est un peu elle qui fait ce que nous sommes. La preuve par 6 romans venus des quatre coins du monde. Comment le clan familial se raconte-t-il en Corée du Sud, en Espagne ou aux États-Unis ? Réponse ci-dessous.
Le soir de la Saint Sylvestre à Barcelone. Amalia a réuni autour d'elle ses trois enfants, Silvia, l'aînée, Emma et sa compagne collet monté Olga, et son fils, Fernando, gay lui aussi. Il y a également l'oncle, Eduardo, figure paternelle mais peu présente de ce trio. Ce dîner, Amalia l'attend comme les autres le redoutent. Car comme dans de nombreuses familles, les rires et la légèreté cachent secrets et ressentiments. Mais attention, si Une mère est parfois un roman grave, c'est avant tout une véritable comédie qui fait écho à notre propre vécu. Amalia, la maman lunaire mais attachante, Silvia, l'aînée qui a très tôt dû prendre les rênes de la famille, Emma et sa douleur latente, et puis bien sûr, Fernando, qui raconte cette histoire et cache lui aussi quelques petites blessures. La nuit du jour de l'an est longue, alors Alejandro Palomas nous balade dans le passé, nous permettant ainsi de mieux comprendre l'origine de ce dysfonctionnement familial. Épicentre de ce joli roman épicé, la figure de la mère change au fil des pages. D'abord presque infantilisée par son entourage, l'excentrique Amalia se transforme peu à peu pour se muer en lionne lorsqu'il faut protéger ses petits. Un portrait familial fantaisiste et plus profond qu'il n'y paraît.
Ed. Le Cherche Midi, 320 pages, 21€
Auréolé du prix Pulitzer en 1935, ce superbe roman sur la Grande Dépression s'offre une toute nouvelle publication. La narratrice, Margot, a dû quitter la ville avec sa famille pour s'installer à la campagne. Ruiné, le patriarche s'investit comme jamais dans sa femme pour qu'elle devienne rentable. Mais très vite, une sécheresse sévère s'abat sur la région. Rattrapée continuellement par les impôts et les loyers, la famille se met à vivre sur le fil. Novembre est donc un roman grave avec des allures de pastorale qui fait bien sûr écho aux Raisins de la colère de John Steinbeck. Mais c'est aussi un roman d'apprentissage qui suit le passage presque forcé à l'âge adulte de Margot, et de ses deux soeurs atypiques, Kerrin et Merle. Avec son style un brin désuet, Novembre peut laisser perplexe de prime abord. Mais peu à peu l'histoire se fait plus fluide et plus captivante. L'histoire d'une famille que la misère et la tragédie guettent et qui reste furieusement d'actualité, plus de 80 ans plus tard.
Ed. Belfond, 208 pages, 14€
Quand elle était petite, Rosemary avait la langue bien pendue. A tel point que ses parents lui demandaient de commencer ses histoires au milieu. Lorsqu'elle commence à nous raconter la sienne, elle l'entame donc à la moitié. Rosemary avait une soeur, Fern, qui a disparu quand elles étaient enfants. Quelques années plus tard, c'est son frère aîné, Lowell, qui a déserté le domicile familial sans se retourner. Comment et pourquoi une famille bien sous tous rapports a-t-elle fini par imploser de la sorte ? Surtout, qu'est-il arrivé à Fern ? Devenue une étudiante discrète et presque associable, Rosemary remet tout en question lorsqu'elle entre au contact d'Harlow, une jeune femme excentrique qui lui rappelle sa soeur.
Roman déroutant dont l'intrigue prend des allures de puzzle, Nos années sauvages est à la fois un drame familial et un manifeste pour la nature. Les rapports et les rivalités fraternels, la question de la différence, la recherche de repères, et les limites de la psychologie et de la science sont les thèmes phares de cet ouvrage très original.
Ed. 10/18, 360 pages, 8,10€
Un livre plein de poésie dans lequel les tigres fument la pipe et les papillons protègent les âmes des enfants plongés dans le sommeil. Premier roman de l'auteure sud-coréenne Mia Yun (publié initialement en anglais en 1998), Les âmes des enfants endormis est une oeuvre personnelle et intimiste. L'histoire de Kyung-A, une fillette élevée avec son frère et sa soeur par une mère discrète mais prête à tout pour protéger ses enfants. Nous sommes dans les années 60, la Corée est encore traumatisée par l'occupation japonaise et les soulèvements populaires, mais Kyung-A grandit bercée par les contes et les légendes racontées par sa grand-mère et la voisine de la famille, surnommée la femme citrouille. Mais avec les années, le regard de l'enfant se fait mois naïf. Kyung-A comprend que son père, homme flamboyant est finalement peu fiable. Elle entrevoit aussi les sacrifices de sa mère, sa force et sa sensibilité. Avec son premier roman, Mia Yun n'emprunte pas seulement à son parcours personnel, elle donne la voix aux femmes coréennes, raconte l'histoire torturée de son pays. Très poétique, imagé et plein de jolies métaphores, Les âmes des enfants endormis démontre que les bonheurs simples sont capables peuvent réenchanter un quotidien loin d'être rose.
Ed. Denoël, 275 pages, 21,90€
Dans Un monde sur mesure, liens familiaux et mode sont intrinsèquement liés. Nathalie Skowronek dresse le portrait des siens, Juifs émigrés de Pologne et tailleurs de père en fils. Installés à Charleroi en Belgique, les parents de Nathalie ouvrent dans les années 70 une première boutique de vêtements. La narratrice nous emporte alors au coeur du faste de l'époque. Les fringues qui se vendent toujours plus vite, la concurrence, le sens du commerce de la mère, toujours là pour flairer le bon filon. Surtout, le livre dresse le portrait malheureux d'un secteur rongé par ses stratégies de plus en plus extrêmes. Les ateliers du Sentier rachetés par les Chinois (plus rapides), les vêtements produits à moindre coût, la délocalisation, le drame du Rana Plaza rapidement oublié... et au coeur de ce tourbillon de fripes et de profit, Nathalie qui rêve d'abandonner magasins et parents pour écrire. Déclaration d'amour à la tradition et à l'histoire familiale, ce roman est aussi touchant que ce qu'il est enrichissant. On savait que le monde de la Fast Fashion était loin d'être glorieux, Nathalie Skowronek le confirme sans jamais prendre un ton moralisateur.
Ed. Grasset, 198 pages, 18€
C'est un drame familial qui débute comme un thriller. Lydia Lee, 16 ans, élève modèle, est portée disparue. Quelques jours plus tard, son corps sans vie est retrouvé dans l'étang municipal. L'adolescente a-t-elle été assassinée ou s'est-elle suicidée ? Pour connaître la réponse, il faudra attendre les dernières pages. Mais d'ici là, c'est toute l'histoire de la famille Lee que Celeste Ng va nous faire traverser. La mère, pure Américaine, le père, fils d'immigrants chinois, le frère aîné qui rêve de liberté et la petite dernière que tout le monde ignore. La famille Lee, métissée, qui peine à s'intégrer dans l'Amérique des années 70. Les enfants toujours sujets de moqueries à l'école, qui sentent peser sur leurs épaules le poids du rejet qu'avait déjà subi leur père. Et la mère, qui voulait absolument envoyer Lydia à Harvard, au point de l'étouffer avec ses propres rêves perdus. L'obligation de réussir socialement, la peur de décevoir ses aînés, la difficulté de se bâtir sa propre personnalité... Celeste Ng condense à la perfection tous les sentiments qui traversent les enfants d'immigrés, et plus simplement, les adolescents en général. Sensible, juste et superbement écrit, ce premier roman pose en permanence la question : connait-on vraiment sa famille ?
Ed. Pocket, 288 pages, 6,95€
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