“On a changé de monde...."
Il est doux amer, et empli de gravité, le témoignage de l'une des plus populaires romancières francophones. Sur le plateau de C à Vous, Amélie Nothomb est revenue sur la révolution #MeToo et sur les violences patriarcales qu'elle a pu elle même subir dans sa vie.
Une agression sexuelle relatée dans l'un de ses romans, "Biographie de la faim". Mais en 2004, alors qu'elle aborde ces violences sexuelles, les journalistes s'en gaussent volontiers. Ou l'ignorent. C'est ce que l'autrice Belge explique à Anne-Elisabeth Lemoine vingt ans plus tard.
"En 2004, le témoignage de mon agression sexuelle avait suscité des réactions abominables", relate-t-elle effectivement. "Par exemple, des hommes mécontents car je ne donnais pas assez de détails....". Et Amélie Nothomb ne s'arrête pas là...
Vingt ans plus tard, Amélie Nothomb est revenue sur ses violences vécues, et le "son de cloche" fut tout autre au sein des médias, observe-t-elle encore sur le plateau du célèbre talk show de France 5.
"J'ai fait la même déclaration à propos de cette agression sexuelle l’an passé et ça a été un raz-de-marée de solidarité”, affirme ainsi la romancière. De solidarité, et de sororité, cette solidarité entre femmes, promue par les militantes féministes. La preuve d'un changement de mentalités, d'un bouleversement sociétal, mais aussi, de la manière dont les voix des victimes peuvent être... Silenciées.
Une prise de parole très importante de la part de la célèbre Belge, à qui l'on doit Stupeur et tremblements (prix de l'Académie française), Premier sang (Prix Renaudot) et Ni d'Eve ni d'Adam (Prix de Flore)...
Toute aussi nécessaire que la libération de la parole, la libération de l'écoute ? C'est précisément ce qu'Amélie Nothomb suggère dans cet échange. Et il faut le dire, c'et primordial.
"Je déteste cette notion de libération de la parole", déclarait à l'unisson une autre autrice de talent, Camille Kouchner (La familia grande). "Pour moi, elle charge les victimes d'agressions sexuelles d'une responsabilité immense. C'est comme si on considérait qu'elles n'avaient jamais parlé auparavant et qu'il peut enfin se passer quelque chose parce qu'elles se décident à le faire. La parole se libérerait enfin ? Mais ce n'est pas vrai ! C'est juste que la société prend enfin conscience qu'il y a des maux collectifs".
"Il y a peut-être une libération de l'écoute, mais si nous sommes tellement nombreux à parler, ça montre à quel point les violences sexuelles ne sont pas encore assez prises en compte... Dire "libération de la parole" c'est à nouveau inverser les rôles entre coupables et victimes. Je n'ai pas l'impression que les victimes ne se manifestent pas. Il y a différentes manières de manifester quelque chose qui ne va pas : un mal-être, un corps défaillant, des angoisses... On peut être emmuré dans le silence et donner des signaux"