Six ans. C'est l'âge à laquelle les petites filles commencent insidieusement à se considérer comme moins brillantes que leurs petits copains de classe. Selon une étude américaine parue jeudi 26 janvier dans la revue Science, les petites filles estiment en effet que les femmes sont moins intelligentes que les hommes du même âge.
Pour parvenir à ce résultat, les scientifiques ont soumis 400 enfants âgés de cinq à sept ans à différents tests. Parmi ceux-ci, l'un déroulait une histoire courte mettant en scène une "personne vraiment très intelligente", sans préciser s'il s'agissait d'une femme ou d'un homme.
À cinq ans, les filles tout comme les garçons affirment que cette "personne vraiment très intelligente" est de leur propre genre. Mais cela change vers 6 et 7 ans : les filles ne sont alors plus que 20 à 30% à faire ce même choix, contrairement aux garçons.
Les chercheurs ont aussi demandé aux enfants de deviner qui parmi deux garçons et deux filles avaient obtenu les meilleures notes à l'école. Ici, pourtant, toutes les petites filles de cinq à sept interrogées ont estimé que les filles avaient probablement les meilleures notes. Cela suggère selon les auteurs de l'étude que les fillettes ne considèrent pas toujours que les performances scolaires – fondées sur le travail et l'assiduité – vont de pair avec l'intelligence.
Enfin, les auteurs ont demandé aux enfants de choisir entre deux jeux, l'un présenté comme étant destiné "à des enfants très très intelligents", et l'autre "pour des enfants qui font beaucoup d'efforts". Sans surprise, les filles de six et sept ans ont montré moins d'intérêt que les garçons pour le jeu destiné aux enfants "intelligents", alors qu'à cinq ans, filles et garçons ont choisi indifféremment les deux jeux.
Comment expliquer que les fillettes se dévalorisent ainsi, et à un si jeune âge ? Pour les chercheurs, ce sont les stéréotypes sexistes qui sapent la confiance qu'ont les fillettes en leurs capacités intellectuelles. "Les résultats de l'étude confortent l'hypothèse selon laquelle il s'agit de préjugés inconscients enracinés dans des stéréotypes sur l'homme et la femme dans notre société", affirme Andrei Cimpian, professeur de psychologie à l'Université de l'Illinois et co-auteur de l'étude.
Le problème, c'est que cette tendance qu'ont les femmes à sous-estimer leurs compétences et leur intelligence se répercute sur leur vie professionnelle. Travaillant d'arrache-pied, loyales et appliquées, elles voient régulièrement les promotions et les augmentations de salaire leur passer sous le nez au profit de leurs collaborateurs masculins. Ce syndrome de la "bonne élève", est l'une des raisons empêchant les femmes d'accéder à des postes à responsabilités. Il bride aussi leur ambition de faire carrière dans des filières réputées difficiles et techniques comme la physique ou l'ingénierie, note Lin Bian, chercheuse à l'Université d'Illinois et co-auteure de l'étude. En janvier 2015, une enquête réalisée au niveau universitaire et parue dans Science concluait que le stéréotype selon lequel les hommes sont plus brillants intellectuellement pénalise les femmes aux États-Unis, notamment dans les domaines scientifiques.