« Quelle délicieuse petite culotte ! ». La remarque a valu à son auteur une bonne leçon de savoir vivre ainsi que l'humiliation à l'échelle planétaire. En novembre dernier, une campagne contre le harcèlement de rue faisait grand bruit au Pérou. Le concept : repérer des harceleurs récidivistes et mettre en lumière leur comportement en les faisant accoster... leur propre mère.
La vidéo, qui a en réalité recouru à des acteurs à l'initiative de la marque de boxe Everlast, a fait le tour du monde, mettant en lumière un problème récurrent dans la société péruvienne : le harcèlement sexuel dans la rue, devenu monnaie courante non seulement à Lima, la capitale, mais aussi dans d'autres grandes villes du pays.
A Lima justement, « 7 femmes sur 10 ont déjà été victimes de harcèlement dans les rues » expliquait en novembre Natalia Malaga, coach de l'équipe féminine de volley du pays et ambassadrice de la marque (qui avait déjà tapé du poing contre les conduteurs machistes). Un chiffre depuis revu à la hausse par les organisations féministes locales, qui avancent le chiffre de 9 femmes sur 10.
Symbole de ce fléau : la star péruvienne Magaly Solier. En mai 2014, cette actrice et chanteuse ultra-populaire a elle-même subi l'agression d'un homme alors qu'elle voyageait en bus dans la capitale. « L'héroïne de 'Fausta', le film de la péruvienne Claudia Llosa qui a décroché l'Ours d'or en 2009 à Berlin, avait dénoncé dans les médias avoir été victime de harcèlement sexuel dans un bus de la capitale péruvienne quand un homme s'était masturbé derrière elle, sous le regard apathique de dizaines de passagers », rappelle ainsi la Tribune de Genève.
Emotion dans le troisième plus grand pays d'Amérique du Sud, et vif débat jusque dans les institutions publiques. Après avoir décidé de renforcer ses effectifs policiers dans les rues et aux arrêts de bus afin de dissuader les agresseurs, le gouvernement de Ollanta Humala vient de faire voter une loi, présentée en août dernier, et visant à condamner sévèrement les auteurs de harcèlement.
Ainsi le Congrès péruvien a voté jeudi 5 mars un texte modifiant deux articles du code pénal. Les modifications en question visent à reconnaître le harcèlement sexuel dans la rue comme un délit, avec toutes les conséquences qui s'y rattachent. Le texte voté par les parlementaires prévoit notamment des peines allant jusqu'à 12 ans de prison pour toute forme aggravée de harcèlement sexuel dans la rue. Par « aggravée », le gouvernement entend tout harcèlement qui viserait un individu de mois de 14 ans ou un acte jugé « dégradant ou provoquant des dommages à sa santé physique et mentale ».
Si la définition juridique reste encore floue et sujette à interprétation, le texte de loi se veut symbolique. « Il s'agit d'un message fort du Parlement dans la lutte contre la violence faite aux femmes », a déclaré la présidente du Congrès, Ana Maria Solorzano. Un message auquel ses auteurs ont voulu donner plus de force encore, en le faisant adopter trois jours à peine avant la journée internationale pour les droits des femmes.