Un vent de révolution semble souffler sur le petit monde de la mode, mais aussi de la presse fashion, depuis quelques années déjà. Effectivement, la valorisation des mannequins se place de plus en plus sous le signe de la pluralité et de l'inclusivité. Exemples ? Les Unes mettant en lumière Valentina Sampaio, premier mannequin transgenre à poser en couverture de Vogue Paris, Leyna Bloom, première femme trans de couleur à poser pour Sports Illustrated Swimsuit, Olly Eley, premier·e modèle non-binaire à poser en couverture de Elle UK...
A cette liste, il faudra désormais ajouter un nom, désormais historique : celui d'Ariel Nicholson. A seulement 20 ans, Nicholson est devenue la première femme transgenre à poser en Une du célèbre magazine de mode Vogue. De l'édition américaine de la revue, plus précisément. La première, en plus d'un siècle d'existence : il était grand temps. C'est une victoire personnelle pour la principale concernée, mais aussi un triomphe collectif pour la cause que celle-ci n'hésite pas à défendre dans les médias, celle de la communauté LGBTQ.
Et plus encore, la lutte pour une meilleure visibilité des personnes transgenres, aussi bien dans la presse que sur les podiums. De par son parcours et ses convictions, on peut dire qu'Ariel Nicholson ne fait pas défaut à ce combat de longue haleine. Portrait d'une mannequin aussi inspirante que militante.
Si une bonne partie du grand public découvre certainement son nom aujourd'hui, Ariel Nicholson est loin d'être une débutante dans le milieu de la mode, bien au contraire. Cela fait déjà quelques années qu'elle y rayonne. Dès ses huit ans, la jeune femme réfléchit au mannequinat. Aux journalistes curieux qui l'interrogent, elle déclare volontiers s'entraîner à marcher avec des talons depuis... L'âge de deux ans. Excusez du peu.
Résultat, la native du New Jersey a très tôt signé dans la célèbre agence DNA Models, comme le rappelle le Huffington Post. A 17 ans, alors qu'elle poursuivait ses années-bahut en parallèle, elle entamait déjà sa deuxième année dans l'industrie de la mode. Depuis, on a pu voir cette admiratrice des chanteuses Bjork et Joni Mitchell associée à des maisons aussi prestigieuses que Miu Miu, Calvin Klein et Marc Jacobs. Elle a d'ailleurs été le premier mannequin transgenre à participer à un défilé de mode pour Calvin Klein.
Quelques années plus tôt, encore au collège, Ariel Nicholson expliquait "ne pas se sentir à sa place dans un corps de garçon" face à la caméra de Miri Navasky et Karen O'Connor, pour la série documentaire Growing Up Trans - "Grandir en tant que trans". Et désormais, le magazine Vogue l'envisage, aux côtés de personnalités emblématiques telles Bella Hadid, comme l'un des visages de la "nouvelle génération" de mannequins. Mannequins différentes, hors normes, engagées, déjà "déconstruites" malgré leur légère vingtaine.
C'est ce que démontrent d'ailleurs les prises de parole stimulantes de la jeune femme.
Car depuis ses 17 ans, Ariel Nicholson n'hésite pas à porter la voix. En 2018, dans une Amérique encore trumpienne, et donc très peu LGBTQ-friendly, elle rappelait le droit fondamental à pouvoir assumer et revendiquer son identité face à la transphobie (trop) ordinaire outre-Atlantique. "Mon identité est loin d'être un secret, cela me donne le pouvoir de créer un changement dans le monde et d'être une activiste pour les droits des transgenres", déclarait-elle alors, relève le magazine de mode L'Officiel.
Cette prise de position ne s'est pas tarie. Sur Instagram, entre deux hommages à ses role models intensément pop (Cate Blanchett, la regrettée Brittany Murphy, Shelley Duvall ou encore Meryl Streep) et autres clins d'oeil cinéphiles (envers l'excellent film des fêtes LGBTQ Tangerine notamment), la jeune mannequin n'hésite pas à arborer des tenues stylées épousant les couleurs du drapeau de la communauté trans.
En interview encore, elle persiste et signe à qui veut l'entendre : "Les personnes trans sont maintenant les visages d'un mouvement, des militants pionniers. Manifester, c'est le sens de la vie. La créativité et l'art, d'une certaine manière, sont déjà une forme de manifestation. La seule façon d'exister est de créer des choses pour soi-même. C'est ainsi que j'ai pu moi-même traverser des moments difficiles".
L'art, à l'écouter, est politique, et donc le mannequinat aussi. Mais Ariel Nicholson ne se contente pas des flashes - émanant de magazines ultra-branchés comme Dazed - et des paroles. En parallèle de son travail, l'artiste contribue par exemple à l'association Gender & Family Project, dédiée aux jeunes personnes transgenres. Histoire d'aider d'autant plus cette génération dont elle est l'une des plus fières représentations. Son apport à une mobilisation globale, à l'heure où même certaines boîtes, comme la marque de produits capillaires Pantene, décident de visibiliser les enfants transgenres dans leurs publicités.
"Ce n'est pas rien d'être la première femmes trans à poser en couverture de Vogue. Je suis reconnaissante de travailler aux côtés de légendes. Je suis reconnaissante envers la communauté qui m'a façonné et m'inspire chaque jour", s'est exprimée de son côté Nicholson le temps d'une publication abondamment likée. A juste titre.
Un chemin prometteur qui ne fait que commencer pour elle.