Devant la caméra, la souffrance. Au tout début des années 70, la jeune actrice Maria Schneider a été agressée sexuellement sur le tournage du Dernier tango à Paris, film "sulfureux" de Bernardo Bertolucci. Alors que le cinéaste italien et Marlon Brando étaient tous deux dans la complicité, la comédienne a vu son consentement méprisé lors d'une scène impliquant une sodomie (simulée) et une motte de beurre.
Le réalisateur aurait décidé de cette séquence "choc", destinée à susciter des réactions virulentes, au dernier moment et sans prévenir l'actrice, comme le relate sa cousine, Vanessa Schneider, dans son récit : "Tu t'appelais Maria Schneider". Ce qui s'ensuivit fut dramatique à l'unisson. Qualifiée de tous les noms à l'international, sujette à une peine de prison de par le scandale du film (classé X), peine équivalant à deux mois de prison avec sursis, Maria Schneider, dont le biopic vient de sortir en salles ("Maria" de Jessica Palud, à découvrir au cinéma depuis le 18 juin) a poursuivi tant bien que mal une carrière également très marquée par la drogue.
Ce tournage traumatisant, elle l'a volontiers abordé. Et notamment : au micro de Mireille Dumas. Dans une interview de 2006 dans l'émission "Vie privée, Vie publique", Maria Schneider pose des mots sur sa souffrance. Et il faut l'écouter.
"Quand quelque chose n'est pas écrit dans un scénario, mais improvisé, on peut dire non. Sur le plateau, j'ai senti tout de suite que ce serait moi qui subirait une humiliation. C'est une scène écrite par des hommes", détaille avec gravité Maria Schneider devant les caméras de France 3, il y a quasiment 20 ans de cela, à propos du tournage du "Dernier tango à Paris".
"J'aurais du appeler un agent. Aujourd'hui, on ne peut pas forcer une actrice à faire ça sur un film : quelque chose qu'elle ne veut pas faire, qui n'est pas écrit dans le scénario. On a clairement profité de ma jeunesse. C'est le réalisateur le manipulateur dans l'histoire. Même Marlon Brando m'a dit qu'il avait été manipulé par Bertolucci".
Face à Mireille Dumas et aux côtés de la comédienne Andréa Féréol ("La grande bouffe" de Marco Ferreri), Maria Schneider évoque aussi avec une lucidité tout autant douloureuse les conséquences de ce film sur sa vie : "Marlon Brando m'a soutenu, après. Mais personne ne me protégeait. Et suite à ce film, je voulais oublier qui j'étais. Alors, je me suis droguée. Et les drogues dures m'ont fait perdre sept ans de ma vie, c'est ça que je regrette"
Présenté au Festival de Cannes, le film "Maria", réalisé par la cinéaste féministe Jessica Palud, propose aujourd'hui de rendre hommage à cette grande actrice sacrifiée sur l'autel du patriarcat. A voir !