Okinoshima, petite île au sud-est du Japon, est un lieu sacré dans la culture shintoïste. Au milieu de la luxuriante verdure se trouve le sanctuaire d'Okitsu, farouchement gardé par des prêtres shintoïstes qui ne sont pas près de déroger à leurs traditions séculaires. Car Okinoshima n'est pas une île comme les autres : elle est interdite aux femmes. Jugées "impures" à cause de leurs menstruations, elles ont depuis des siècles l'interdiction de pénétrer sur l'île.
Habitée par des religieux qui s'y relaient à tour de rôle tout au long de l'année, l'île est le théâtre à chaque mois de mai d'un festival religieux auxquels seuls les hommes peuvent assister. Uniques témoins d'une tradition ancestrale, les hommes doivent eux aussi se plier à un cérémonial très strict pour espérer assister aux festivités. Ayant pour interdiction d'apporter des effets personnels sur l'île, ils ont pour obligation de se déshabiller et de se soumettre à un rituel de purification avant d'accoster sur l'île. Ils ont aussi pour interdiction d'emporter avec eux un souvenir de l'île, pas même un brin d'herbe ou une fleur. Enfin, les prêtres tentent d'empêcher les visiteurs de relater leur expérience sur l'île.
Perpétuée sur l'île d'Okinoshima par les prêtres shintoïstes, cette culture du secret - et de la discrimination envers les femmes - est en passe de faire son entrée au patrimoine mondial de l'Unesco. À la demande des autorités japonaises, le comité du patrimoine mondial se réunira au mois de juillet en Pologne pour rendre sa décision et inclure, ou non, l'île dans sa liste.
Faut-il pour autant en conclure que les prêtres d'Okinoshima permettront aux femmes de visiter l'île une fois celle-ci classée au patrimoine mondial ? Ce n'est pas à l'ordre du jour, les prêtres ayant l'intention de restreindre l'accès à l'île pour sa préservation. "Nous ne pourrons pas ouvrir Okinoshima au public même si elle est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. Les gens ne devraient pas venir la visiter par curiosité", a déclaré dans une interview Takayuki Ashizu, le prêtre en chef du Munakata Taisha, le groupe de trois sanctuaires dont fait partie celui de l'île d'Okinoshima.
"Notre position va rester inchangée, même en cas d'inscription au patrimoine mondial de l'humanité", a déclaré au Mainichi Shimbun un responsable du sanctuaire. "Le but du patrimoine mondial est de perpétuer la culture et la tradition auprès des générations futures. Nous continuerons à réglementer strictement les visites dans l'île. "La mystique de l'île a été maintenue parce que sa tradition a été observée depuis de nombreuses années", a ajouté un responsable du gouvernement municipal de Munakata.
Les femmes continueront donc de n'avoir pas droit de cité sur l'île d'Okinoshima.