Qui se doute que le plus lointain ancêtre du célèbre Snoopy Fisher Price remonte à l’Antiquité ? Il y a des milliers d’années, on offrait déjà aux enfants des animaux taillés dans le bois ou l’argile montés sur roulettes. L’exposition « Des jouets et des hommes » proposée par le Grand Palais jusqu’au 23 janvier, met en scène la troublante récurrence des jouets proposés aux enfants depuis des milliers d’années. Collectionneur et commissaire de l’exposition, Bruno Girveau évoque « une permanence très forte dans les concepts » qui se vérifie à toutes les époques, du cheval de Napoléon à « Mon Petit Poney » et des automates aux robots japonais. Ils ont beau endosser les costumes et les formes de leur temps, les joujoux reflèteraient même selon lui un certain conservatisme, en particulier dans l’opposition filles/garçons.
« Depuis la Grèce antique, les miniatures de poupées femmes insistent sur les mêmes archétypes : cheveux, poitrine, taille fine et jambes longues », explique Bruno Girveau. Une poupée articulée du 1er siècle est ouverte au niveau du ventre pour abriter son bébé. Des siècles plus tard, la nurserie et le déguisement d’infirmière incitent toujours les petites filles à réviser leur rôle de future maman. Sans prendre position sur le sujet épineux des stéréotypes sexistes véhiculés par les jouets, l’exposition apporte au débat en montrant que la division filles/garçons est apparue très tôt, et que la représentation du monde adressée aux enfants n’a pas vraiment bougé depuis les minichars romains et les figurines étrusques. « Le jouet semble traduire les blocages de la société. On trouve encore des balais et des aspirateurs au rayon des filles, c’est assez révélateur », note le commissaire d’exposition.
Pour le sociologue Gilles Brougère, il y a bel et bien un retard du jouet par rapport à l’évolution des rôles féminins et masculins au cours des 50 dernières années. Il l’explique par la différence fondamentale des logiques de jeu entre garçons et filles. « La société et le marketing ne cessent de renforcer les frontières entre deux cultures ludiques. Filles et garçons jouent entre eux, et par là ils trouvent le moyen d’affirmer leur identité. » Depuis les années 80, avec le triomphe de l’image et des héros de dessins animés, le clivage n’aurait fait que s’accentuer. « C’est la logique de ciblage marketing dirigé vers les plus jeunes qui a rendu encore plus visible les différences de genre », note G. Brougère, qui remarque que les enfants ne se privent pas pour autant de franchir la frontière : les filles s’aventurent volontiers sur le terrain des petites voitures ou des jeux de construction, en revanche, c’est plus compliqué pour les garçons. « Ils sont davantage contraints de respecter leur identité, parce que la position féminine est encore perçue comme une position de dominée », explique le sociologue, « pas question donc pour les garçons de régresser du dominant au dominé. » En clair : on a le droit d’être un garçon manqué qui aime les trains électriques, mais pas une fille manquée qui joue à la poupée…
Pourtant à l’heure où les petites filles se prennent de passion pour la Nintendo DS ou les applications sur smartphones de leurs parents, une nouvelle génération de jeux émerge dans le secteur high-tech. « Des univers parfois moins marqués par les stéréotypes voient le jour dans les jeux vidéos, et ouvrent des perspectives ludiques plus mixtes », remarque G. Brougère. Moins sexués, débarrassés du décorum paillettes pour les filles et black attitude pour les garçons, les jeux de simulation comme les Sim’s ou Farmville par exemple, invitent garçons et filles à créer des entreprises, gérer une exploitation agricole ou tenir le foyer et les dépenses. A eux, ensuite, de se répartir les tâches au quotidien...
Crédit photo : Jean Tholance pour les Arts décoratifs
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