Pour beaucoup d'enfants, les vacances d'été représentent un moment de fête. Mais pas pour ces fillettes d'Afrique. En effet, dans certaines parties de ce continent, comme la Somalie, le Niger et la Guinée, l'été pourrait être qualifié de "saison des excisions". En 2015, la chaîne CNN faisait mention d'un nombre accru d'excisions en Egypte pendant la période estivale. Et le phénomène reste le même en 2017 : le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a publié un reportage saisissant sur les excisions en Somalie. Là encore, le constat est le même : le nombre d'excisions augmente considérablement en été. La Somalienne Asha Ali Ibrahim, 41 ans, connaît bien ce phénomène. Celle-ci confie au FNUAP que, depuis 20 ans qu'elle pratique l'excision sur les petites filles, la période juillet-août-septembre a toujours été "la plus remplie".
La raison de ce pic d'excisions ? Les jeunes filles ont plus de temps pour se remettre, puisqu'elles ne vont pas à l'école durant cette période. Certaines fillettes qui vivent en Europe ou aux Etats-Unis sont même emmenées dans leurs pays d'origine "en vacances" pour subir cette mutilation, qui consiste en une ablation partielle ou totale du capuchon clitoridien. Cette hausse peut également se traduire par une tendance aux mariages d'enfants, qui ont généralement lieu pendant les vacances d'été, indiquent les experts du FNUAP. En effet, l'excision est traditionnellement employée pour empêcher les femmes d'avoir des relations sexuelles avant le mariage.
Si cette tradition reste très ancrée dans ce pays d'Afrique, elle n'en reste pas moins une violation des droits de l'homme. Cruelle et dangereuse, cette pratique peut entraîner de sérieuses infections, provoquer des hémorragies et la stérilité et parfois même conduire au décès.
Selon un rapport de l'Unicef, 98% des fillettes somaliennes ont subi une excision en 2013. Cette pratique reste donc très largement utilisée dans le pays. En moyenne, ces fillettes sont âgées entre 7 et 10 ans lorsqu'elles subissent une exicision en Somalie, mais celles qui ont grandi en Europe ou aux Etats-Unis se font exciser plus tard, généralement entre 12 et 14 ans. "Le processus est plus douloureux chez les préadolescentes car leur tissu est plus développé", explique l'exciseuse Asha Ali Ibrahim.
Consciente des dangers représentés par l'excision, cette Somalienne affirme prendre de nombreuses précautions pour permettre aux fillettes de bénéficier de conditions d'hygiène et de sécurité décentes : seringues stérilisées, flacons de lidocaïne pour atténuer la douleur, boules de coton pour désinfecter, fil blanc épais pour recoudre le clitoris...
Mais les méthodes d'Asha présentent des limites. Certaines de ses patientes se sont retrouvées à l'hôpital avec des hémorragies. L'exciseuse somalienne nie par ailleurs le risque d'infertilité lié à une telle pratique qui, selon elle, reste essentielle car elle représente une étape importante dans la vie d'une femme : "L'excision permet à une enfant de devenir une femme et c'est pour cette raison que j'estime que toutes les filles de ma famille doivent se faire exciser", confie-t-elle au FNUAP.
Heureusement, de nombreuses actions en Somalie sont menées pour combattre l'excision. "Le monde change et les Somaliens également", estime Nimo Hussain, directeur de l'Institut Hargeisa des Sciences de la Santé. La ministre des femmes et des affaires familiales, Sahra Ali Samatar est parvenue à convaincre en 2015 les membres du gouvernement de soutenir un projet de loi en faveur de l'abolition partielle de l'excision. Par ailleurs, certains chefs religieux se disent également favorables pour faire évoluer les mentalités sur la question des Mutilations Génétiques Féminines (MGF). C'est notamment le cas du Cheikh Almis Yahe Ibrahim, directeur de l'Université internationale Horn, âgé de 47 ans, qui fait partie de l'un des six cheiks de la région arabe à avoir formé un groupe pour lutter contre les MGF. Celui-ci a déclaré publiquement qu'aucune de ses trois filles n'a subi d'excision.
Initié par le FNUAP en 2002, un réseau de jeunes militants nommé Y-Peer apprend également aux jeunes Somaliens à éduquer les membres de leur communauté sur les sujets de la santé sexuelle et de la reproduction.
Dans le reste de l'Afrique, les jeunes femmes elles-mêmes commencent à se soulever contre le problème, à l'instar de ces cinq ados kenyanes qui ont récemment lancé une application pour dénoncer le caractère cruel et barbare de l'excision.