La pratique est aussi immorale que dévastatrice. Pour se venger de leur ancienne moitié qui a osé les quitter, des ex mal intentionnés n'hésitent pas à diffuser sans vergogne sur Internet - et sans autorisation - les vidéos privées et autres photos dénudées qu'il (ou elle) leur a envoyé. Le nom de ce phénomène ? Le « Revenge porn », ou la « vengeance par le porno » en français.
Apparu aux États-Unis, le Revenge porn a un but précis : ruiner la e-réputation de son ancien amant en diffusant sur le web les vidéos et les photos coquines autrefois envoyées par texto, mais aussi y associer son nom, son adresse, son âge, et même parfois l'identité de son employeur. Outre-Atlantique, des sites dédiés à accueillir les photos et vidéos recueillies par des anciens amants qui ont manifestement du mal à digérer leur rupture ont même fait leur apparition.
Le premier d'entre eux ? IsAnyoneUp, où figurent des milliers de photos et vidéos de victimes du « Revenge porn ». Lancé en 2010 par Hunter Moore, surnommé « l'homme le plus détesté d'Amérique », IsAnyoneUp a finalement été fermé par le FBI en avril 2012. Depuis, Hunter Moore est poursuivi par l'État de Californie pour complot, accès non autorisé à un ordinateur protégé et vol d'identité avec circonstances aggravantes. Privé d'un accès Internet jusqu'à son procès en septembre, Hunter Moore risque jusqu'à cinq ans d'emprisonnement.
Pourtant, la pratique du Revenge porn est loin d'avoir disparu avec la fermeture d'IsAnyoneUp. D'autres sites dédiés à accueillir les photos osées des ex-compagnons, comme Myex.com ou UGotPosted, fleurissent aujourd'hui sur Internet. Et le phénomène, loin d'être cantonné aux frontières américaines, débarque progressivement en France.
Ainsi, début avril, un homme de 35 ans habitant Metz a été condamné à 12 mois de prison avec sursis pour avoir diffusé sur Facebook, Skyblog et des sites de rencontre des photos dénudées de son ex-compagne, accompagnées de son nom et de son adresse. Enseignante, son ancienne fiancée avait eu connaissance desdits clichés par ses élèves. Le tribunal correctionnel a par ailleurs assorti sa décision d'une obligation d'indemniser la victime. Interrogé par 20 Minutes, l'avocat du prévenu, Me Mehdi Adjemi, explique : « Nous n'avons pas beaucoup de recul sur le sujet, mais il semble que la justice veuille mettre un frein à cet usage des réseaux sociaux. » Un mois auparavant, dans la Manche, un autre homme a lui aussi été condamné à six mois de prison et à 2 500 euros d'amende pour avoir diffusé sur un site gratuit de vidéos pornographiques le film de ses ébats avec son ancienne compagne.
Si la justice française commence tout juste à s'intéresser au Revenge porn et à prononcer les premières condamnations envers les ex vengeurs, le phénomène ne doit pas pour autant être limité au non-respect de l'intimité et du droit à l'image. Vrai danger, il est aussi symptomatique de l'image qui colle à la peau des femmes qui revendiquent leur droit à la sexualité. L'association DMCA, qui lutte contre le Revenge porn, a d'ailleurs réalisé une étude à ce sujet : 90% des victimes du Revenge porn sont des femmes, régulièrement traitées de « putes », « chiennes », « salopes », pour avoir osé envoyer une photo privée d'elles-mêmes à leur compagnon d'alors.
Contactée par Europe 1, l'ancienne actrice X et désormais documentariste Ovidie analyse : « Le "Revenge porn" est intimement lié à la mode du "slut shaming". Ce que l'on constate, c'est que cela concerne principalement les femmes. On discrédite une femme pour sa sexualité. On ne se contente pas juste de faire circuler son image, mais aussi des informations personnelles, par exemple sur l'employeur de la victime. »
Des dénonciations vengeresses qui peuvent parfois virer au cauchemar pour les victimes. En octobre 2012, une ado canadienne s'était donné la mort après avoir montré sa poitrine via webcam à un inconnu. Harcelée par ses camarades, elle avait quelques semaines avant son suicide, crié son désespoir dans une vidéo bouleversante postée sur YouTube.