Rosalie a un terrible secret : elle a des poils. Comme toutes les femmes, finalement. Seul détail qui a son importance, surtout dans cette France de 1870 où elle cherche épousailles : c'est une femme à barbe. De quoi l'ériger trop facilement en "freak", en bête de foire. Son nouvel époux l'acceptera-t-elle ?
Voilà pour le pitch de "Rosalie", le nouveau film de Stéphanie Di Giusto à découvrir dès le 10 avril en salles. En s'inspirant de la vie véritable de Clémentine Delait, tenancière de bar et célèbre femme à barbe française du début du XXe siècle, la réalisatrice délivre un conte moderne d'un esthétisme léché où les préjugés d'antan font écho aux grands enjeux d'aujourd'hui : pilosité et féminité, sexualités, stéréotypes de genre...
Dans la peau d'une femme libre bien décidée à assumer sa différence, Nadia Tereszkiewicz (Les amandiers) étonne, et détonne. Elle est l'âme d'un récit hybride qui vaut le détour. On vous explique pourquoi.
On est ressorti étonné de Rosalie, chronique historico-poétique moins prévisible que ce pitch très "ode à la tolérance" ne pourrait le laisser croire. Car ce que porte sur ses solides épaules - et également par le biais d'un impressionnant et minutieux maquillage - Nadia Tereszkiewicz, actrice Césarisée, ce n'est pas l'histoire d'une femme à barbe, mais d'une femme à barbe... Qui refuse de se raser. Et cela fait toute la différence.
Récit d'une liberté décomplexée qui se conjugue au féminin, Rosalie va évidemment aborder violence (masculine, et patriarcale en général), préjugés et sexisme (on demande à Rosalie si "elle a des couilles sous sa barbe") mais surtout propager partout ce désir d'émancipation, jusque dans ses illustrations très graphiques et riches de sens. Ainsi la cinéaste déboulonne-t-elle les stéréotypes de genre, notamment lors des scènes intimes !
Les séquences d'amour et de sexe passionné dénotent effectivement par la façon dont sont délicatement inversés les rapports de force. La mise en scène classique des corps masculins et féminins est revisitée avec élégance, sans jamais éluder pour autant un aspect charnel et frontal, une crudité malicieuse dans sa façon de transgresser les codes. Tout cela participe à faire vivre Rosalie, femme désirante, et non attraction humiliée et martyr.
Et on s'en doute, la figure de la femme à barbe permet d'aborder bien d'autres choses, très actuelles... Du complexe du "poil au féminin" naturellement au mythe de la virilité (le corps malmené d'un époux perdu, interprété par Benoît Magimel) mais aussi, la condition des femmes marginalisées. L'un des rares soutiens de Rosalie sera ainsi une prostituée, incarnée par Juliette Armanet. "Il n'est pas facile d'être femme...", ironisera à raison notre héroïne. Une autre façon de valoriser l'importance de la sexualité chez Rosalie par ailleurs.
Ajoutez à cela un doux onirisme qui vient faire honneur au pouvoir d'évocation foisonnant de sa protagoniste, et vous obtenez un portrait de femme polymorphe, à découvrir sans plus tarder !