Let Life Happen est un spot d'une minute, réalisé par l'agence Adam & Eve DDB pour la compagnie britannique John Lewis, qui semble agiter les esprits chagrins outre-Manche. Dedans, on voit débouler un petit garçon habillé d'une robe d'adulte, rouge à lèvres aux contours approximatifs sur la bouche et claire envie de défilé avec style dans la maison - en envoyant valser quelques verres et vases au passage.
Il fixe la caméra alors qu'il descend l'escalier, étale de la peinture rose et verte sur les murs, monte sur la table de la salle à manger et fait pleuvoir des paillettes dans la pièce. Le tout, sur le morceau entraînant de Stevie Nicks, Edge of Seventeen, et sous les yeux de sa mère et sa soeur, ébahies.
Jusque-là, le clip de la société, réputée pour ses pubs notamment au moment de Noël, ne semble rien diffuser de choquant. A part pour les personnes qui ne supportent pas la vue d'une maison en (gros) désordre. La musique est agréable, l'attitude de l'enfant amusante (l'acteur est d'ailleurs plutôt génial), la morale commerciale - celle qu'il suffit de "laisser la vie se passer" et que la branche assurance de John Lewis s'occupe des pots cassés - somme toute cohérente.
Et pourtant, l'Advertising Standards Authority (ASA), le CSA britannique, a reçu pas moins de 130 plaintes la concernant.
Pour quelques-uns de détracteurs, l'objet des critiques vient d'un doute quant à la couverture par l'entreprise de dégâts domestiques de la sorte. Certain·e·s épinglent ainsi qu'il s'agirait d'une publicité mensongère, et auraient du mal à croire en un dédommagement en cas de situations similaires.
Pour d'autres en revanche, ce n'est pas tant la "fausse" promesse de la vidéo que le fait que le jeune garçon soit un "enfant-roi", prend toute la place pendant que sa soeur reste dans son coin, ou bien qu'il soit habillé "en fille".
L'Advertising Standards Authority liste ainsi : "Certaines plaintes affirment que la publicité est trompeuse en ce qui concerne les polices d'assurance spécifiques relatives aux dommages intentionnels ; d'autres contestent le fait que le comportement imprudent de l'enfant dans la publicité puisse donner un mauvais exemple aux enfants qui pourraient l'imiter ; d'autres encore objectent qu'il est inapproprié que le garçon porte des vêtements et du maquillage de fille."
Pour le média de l'agence marketing The Drum, ça ne fait aucun doute : "L'ASA est depuis longtemps un lieu d'expression des inquiétudes concernant la représentation queer à la télévision". Et il n'y a qu'à voir le billet d'humeur rétrograde et insupportable de LGBT-phobie de The Spectator pour en être convaincu·e. "Nous vivons à une époque où les écoles disent aux enfants que la biologie ne définit pas si l'on est un garçon ou une fille et où les drag queens de 12 ans sont célébrées", écrit l'auteur visiblement dépité, mentionnant même l'odieux terme de "lobby trans" et de "propagande sur la mutabilité du genre".
Reggie Parker, le jeune acteur, a lui répondu aux critiques transphobes que sa mère jugent "ridicules". "Je ne suis pas transgenre, mais même si je l'étais, quelle importance cela aurait-il ?", lance-t-il au Daily Mail. "C'est juste un garçon qui s'habille et s'amuse. C'est exagéré car c'est censé être drôle."
Depuis, John Lewis s'est vu contraint de retirer le spot à la télévision "parce que la Financial Conduct Authority considère que le contenu est potentiellement trompeur", a déclaré la société. A priori, rien à voir avec la mise en scène de la famille.
A noter toutefois qu'en 2016, la firme n'avait pas connu la même polémique pour une version quasi similaire (peinture en moins) : Tiny Dancer. A la place d'un garçon en robe, une petite fille qui dansait elle aussi dans sa maison, à deux doigts de briser des objets en tout genre.