Après le tragique naufrage du dimanche 19 avril au large des côtes libyennes, 800 personnes ont perdu la vie selon le Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés. Le lendemain, un autre navire sombrait lui aussi, cette fois au large de Rhodes, avec à son bord 200 migrants prêts à risquer leur vie pour entrer en Europe.
De ces 24 heures d'hécatombe, le monde entier a retenu cette image. Celle de Wegasi Nebiat, jeune Érythréenne sauvée de la noyade lors du naufrage du voilier en bois qui l'amenait, lundi 20 avril, vers les côtes européennes. Sur la photo, diffusée dans les médias et partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux, la jeune femme est traînée hors de l'eau par Antonis Deligiorgis, un sergent grec venu secourir les rescapés.
Souffle coupé, regard perdu, Wegasi Nebiat semble ne pas réaliser ce qu'il vient de lui arriver. Après avoir été secourue, la survivante s'est évanouie d'épuisement et a été admise à l'hôpital Général de Rhodes pendant trois jours. Jeudi 23 avril, la migrante était enfin sortie d'affaire et a pu retrouver ses compagnons d'infortune, avec lesquels elle avait tissé des liens depuis le début du voyage en Erythrée. La jeune femme a fondu en larme en enlaçant ses proches.
Saine et sauve, la survivante a livré quelques mots sur son expérience de ce long voyage qui devait lui permettre d'atteindre la Suède. "Je suis si heureuse. On ne sait pas encore vraiment ce qu'on va faire, mais on espère traverser l'Europe", lance la femme de 24 ans au Daily Mail. Wegasi Nebiat est ensuite revenue sur le périlleux voyage qui l'a conduit sur les côtés grecques.
Le périple de Wegasi débute à Asmara, la capitale de l'Erythrée où elle vivait avec sa mère Genet, son père Johannes et son jeune frère. Sa famille avait payé plus de 10 000 dollars pour lui donner une chance de démarrer une vie meilleure en Europe, dans l'espoir qu'elle puisse un jour ou l'autre rejoindre le nord du vieux continent. Après avoir pris un bus jusqu'à l'ouest du pays, Wegasi marche pendant 70km pour rallier la ville de Kessalla à la frontière du Soudan.
Débute alors un voyage en voiture avec des contrebandiers qui l'amènent à Khartoum, pour prendre un vol direction Istanbul, en Turquie, munie d'un faux passeport. La jeune femme rejoint ensuite Marmaris, une ville côtière au sud-ouest de la Turquie où elle embarque sur le voilier qui fera naufrage quelques jours plus tard.
Le sergent grec Antonis Deligiorgis, 34 ans, qui a sauvé Wegasi Nebiat des eaux, prenait un café sur le front de mer avec sa femme Theodora, quand le voilier surchargé de migrants s'est échoué sur les récifs, à une cinquantaine de mètres du rivage. "Le bateau s'est désintégré en quelques de minutes. Comme s'il était en papier", a déclaré Antonis Deligiorgis au Guardian avant de poursuivre : "Quand j'ai quitté le café à 10h10, beaucoup de personnes s'étaient précipités vers la scène du drame. Les garde-côtes étaient là, un hélicoptère Super Puma était en l'air, les ambulances étaient arrivées, les pêcheurs étaient sur les lieux dans leurs caïques. Sans hésiter une seconde, j'ai fait ce que je devais faire. À 10h15, j'ai enlevé ma chemise et je suis rentré dans l'eau".
Le sergent Deligiorgis ramène ainsi sur la terre ferme 20 des 93 migrants survivants, tous originaires de Syrie et d'Érythrée. "L'eau était pleine d'huile et glaciale, les rochers glissants et très acérés. Je me suis coupé méchamment aux mains et aux pieds, mais tout ce à quoi je pensais était de sauver ces pauvres gens". Parmi les personnes sauvées, Wegasi Nebiat qui s'accrochait à une bouée et peinait à respirer. "Je ne me souviens pas de grand chose", reconnaît la rescapée. "J'étais dans l'eau, j'avais peur. Et ensuite je me suis retrouvée ici. Je me sens chanceuse. J'ai de la famille chez moi et je me sens chanceuse de m'en être sortie".