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
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
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
"Oscarisable"
Voilà ce que prédisait la presse US l'an passé à propos de Mikey Madison, la star de Anora, Palme d'or à Cannes. Ce portrait tragicomique très atypique d'une travailleuse du sexe, danseuse et strip teaseuse côtoyant un fils d'oligarque russe avant de le perdre de vue le temps d'un "road trip" foufou, a séduit la Croisette, et ce 2 mars, c'est l'Académie des Oscars qui l'a célébré. Meilleur film, meilleure réalisation pour Sean Baker... Et donc, meilleure actrice.
A seulement 25 ans, l'actrice américaine révélée par Once upon a time in America de Quentin Tarantino récolte le précieux sésame, et démontre le degré de prédiction des médias qui voyaient en elle une future légende. ELLE Canada l'affirmait : "Le nom de Mikey Madison est sur le point d'être sur toutes les lèvres". C'est chose faite. Et son discours également pourrait devenir historique.
"Je tiens à reconnaître et à honorer une nouvelle fois la communauté des travailleurs du sexe", a effectivement déclaré l'actrice, très émue.
"Je continuerai à soutenir et à être l'alliée de toutes les personnes incroyables. Les femmes que j'ai eu le privilège de rencontrer au sein de cette communauté ont été l'un des points forts de cette incroyable expérience". A chacun de ses discours de victoire, Mikey Madison tient à partager cette reconnaissance...
Et rappelle un engagement sans failles. On vous explique.
Mikey Madison lutte au nom des femmes les plus marginalisées.
Au Guardian, Madison expliquait déjà s'être inspirée d'une danseuse et escorte torontoise, Andrea Werhun. La travailleuse du sexe, ou TDS, est même devenue consultante sur le film de Sean Baker.
Et Madison l'admire : "Je me suis vraiment connectée à elle. Et je pensais qu'Ani pourrait s'identifier à elle, parce que j'aimais son sens de l'humour et la façon dont elle parlait du travail du sexe et à quel point elle l'aimait. Et je pense qu'Ani est quelqu'un qui aime sa sexualité, et c'était donc agréable de lire ce point de vue. Ouais, je voulais que ce soit joyeux".
"Je savais depuis le début que je jouais un personnage qui utilise son corps d’une manière très particulière car cela fait partie de son métier", détaille-t-elle au magazine Interview. "J'ai donc étudié beaucoup de danseuses, je suis allée dans des clubs et j'ai vu comment elles utilisaient leur corps, car pour moi, la nudité est un peu comme un costume"
Dans ce conte de fées moderne complètement déchaîné et très mélancolique sous ses atours burlesques, que l'on peut envisager comme un anti Pretty Woman (oui oui, la rom com avec Julia Roberts), Mikey Madison confère densité, visibilité et complexité aux femmes qui restent en marge de la société, sont stigmatisées, insultées, méprisées.
Et, bien sûr, violentées.
Les "TDS" sont victimes de violences sexuelles, physiques, et bien souvent mises sur le ban d'un système dont elles synthétisent par bien des manières l'étendue des violences patriarcales.
Et on ne parle même pas du slut shaming : cette manière de juger les femmes selon leur sexualité supposée. "Slut", terme qui tend, comme l'énonce très bien Zahia Dehar, à la "putophobie" : la "peur des putains", profondément ancrée dans notre société.
Zahia, qui fustige : "La putophobie est extrême dans notre société".
"On met les femmes dans des catégories et les femmes qui ont le malheur d’être dans cette catégorie de "mauvaises femmes", dans ces cas-là, la société leur fait payer un prix qui est énorme, qui est horrible"
"Mais pourquoi être une p*te c'est mal ? Pourquoi être une traînée, c'est mal ?", s'interrogeait Zahia au micro du podcast Bip Sonore. "Moi jusqu'à présent personne ne m'a donné d'explication rationnelle à ce sujet : pourquoi être une p*te c'est mal, pourquoi être une traînée c'est mal..."
"On m'insultait déjà de p*te, alors que je n'avais même pas encore de vie sexuelle !... une traînée, une dévergondée... Pourquoi tout ça c'est mal déjà ? Ceux-là mêmes qui t'insultent, ils ne savent pas pourquoi c'est mal !"
A toutes celles-ci, l'Oscar de la meilleure actrice adresse son soutien.
"Je ne voulais pas que ce soit sensationnaliste ou dramatisé de manière négative dans le film, ces scènes de sexe, le travail du sexe en général", explique encore l'actrice à GQ. "J’ai trouvé dès la lecture du scénario qu'il y avait beaucoup d’humour et d'absurde dans ces scènes de sexe !"
"J'ai toujours été à l'aise avec la nudité, et je pense aussi que c'est parce qu'Ani, mon personnage, l'était aussi. Je n'ai jamais pensé à être nerveuse ou quoi que ce soit. J'ai juste joué un personnage qui me semble proche de chez moi, ce à quoi j'ai pensé récemment et qui m'intéresse", s'était également confiée la comédienne de 25 ans au New York Times.