Comment poursuivre sa vie de femme quand dès l’âge de 18 ans on se retrouve moquée, insultée, traitée de tous les noms ? Pour le savoir, il faut écouter Zahia Dehar, plus connue du grand public sous le nom de Zahia. "Star" de la triste et sur-médiatisée "affaire Zahia", et du mépris sexiste le plus crasse. Encore aujourd'hui.
Zahia Dehar est désormais comédienne, créatrice, mais comme le démontre son témoignage à l'émission C l'hebdo, les conséquences de l'affaire Zahia sur elle sont encore vives et douloureuses : "à partir de ce moment-là, ce scandale, j’avais l’impression que le monde s’écroulait sur moi, j’étais effondrée parce que je savais que j’allais commencer ma vie avec la pire étiquette qu’une femme puisse avoir..."
"Pour moi, c’était la fin de ma vie. Je me suis dit : "Maintenant tu es médiatisée, donc c’est soit tu te suicides et c’est la fin de cette douleur, soit tu persévères dans cette voie-là, mais en essayant de montrer ce que tu aimes faire, de montrer tes créations…"
Oui, la jeune femme - dirigée au cinéma par la cinéaste Rebecca Zlotowski - a bel et bien pensé au pire. "Tout allait m’être interdit à cause du slut-shaming", explique-t-elle encore devant les caméras.
Le "slut shaming", c'est le fait de juger ou d'insulter une femme sur la simple considération de sa sexualité (supposée), au travers de ses paroles, de ses actes, de son attitude, de ses tenues, de son apparence physique. Un phénomène qui touche notamment les jeunes femmes.
Mais c'est un autre, de phénomène de société, que Zahia aborde alors frontalement : "Tout allait aussi m'être interdit à cause de la putophobie qui est extrême dans notre société". C'est un mot très singulier que l'artiste évoque ici. Et vous ne le connaissez peut être pas.
Qu'est-ce que c'est, au juste ?
C'est quoi, la "putophobie", en fait ?
Un vrai "fléau de notre société, et qui n'est pas encore résolu !", assure donc Zahia Dehar, qui l'illustre ainsi dans l'émission : "On met les femmes dans des catégories et les femmes qui ont le malheur d’être dans cette catégorie de "mauvaises femmes", dans ces cas-là, la société leur fait payer un prix qui est énorme, qui est horrible".
En fait, ce mot désigne la haine des p*tes, et des travailleuses et travailleurs du sexe en général, ou "TDS". C'est une stigmatisation systématique qui sépare femmes "honorables" et... les autres, considérées pour indignes à cause de leur sexualité, en leur imposant honte, culpabilité... C'est le fait d'employer tout le lexique associé à la prostitution comme un champ d'insultes censées qualifier ce qu'il y a de pire dans la société. Autrement dit, les "filles faciles". Pourtant, les premières victimes du regard et du désir masculins.
"Mais pourquoi être une p*te c'est mal ? Pourquoi être une traînée, c'est mal ?", s'interrogeait déjà Zahia il n'y a pas si longtemps au micro du podcast Bip Sonore, poursuivant : "Moi jusqu'à présent personne ne m'a donné d'explication rationnelle à ce sujet : pourquoi être une p*te c'est mal, pourquoi être une traînée c'est mal... Quand j'avais douze ans, on m'insultait de p*te, alors que je n'avais même pas encore de vie sexuelle !"
Et Zahia de témoigner encore, au micro : "Quand j'étais adolescente, j'avais envie de mettre des mini jupes. Mais alors que mon corps se formait, je sentais que la société commençait déjà à nous dire à nous les filles : faites attention ! vous n'avez pas intérêt à être une mauvaise fille ! une traînée, une dévergondée... Pourquoi tout ça c'est mal déjà ? Ceux-là mêmes qui t'insultent, ils ne savent pas pourquoi c'est mal !"
CQFD ?