Le parcours de Julia Tabath
Je suis à l'AFM depuis l'âge de 9 ans et j'en ai 30 aujourd'hui.
Petite j'ai commencé par témoigner, j'ai fait partie des tous premiers à passer sur les plateaux de télévision. Ma mère s'est ensuite engagée dans le bénévolat avec l'AFM. Et puis quand j'ai été en âge de faire plus de choses, je m'y suis investie sérieusement. Ado, j'ai aidé à la mise en place d'un service qui s'appelle le DRAC qui concerne les ordinateurs et les multimédias.
La mission de ce projet était de mettre à la disposition d'enfants à un moment où personne n'avait d'ordinateur chez soi, une technique qui permettait de pallier aux incapacités des mains parce que beaucoup d'entre nous n'arrivaient plus à écrire ou dessiner. On a par exemple aidé à développer un clavier et une souris ainsi que des logiciels adaptés au plus près aux incapacités des uns et des autres.
Plus tard, je me suis présentée à l'élection pour faire partie du conseil d'administration de l'AFM. J'ai été élue par l'Assemblée Générale et ma fonction aujourd'hui est, pour faire court, de dépenser au mieux l'argent récolté pendant le téléthon ! Cela inclut l'investissement dans les programmes de recherche, et dans les programmes d'aide aux familles.
J'ai une maladie neuromusculaire qui s'appelle l'amyotrophie spinale. Comme la plupart des maladies neuromusculaires, c'est une maladie dégénérative. Elle concerne le motoneurone, c'est-à-dire que la jonction entre le nerf et le muscle se fait mal ou ne se fait plus du tout. Au fil du temps, on perd de plus en plus de force parce que le muscle n'est pas stimulé correctement. Je n'ai donc jamais marché.
En 50 ans l'AFM a accompli beaucoup de choses, et la première d'entre elle a été de nous faire sortir de l'ombre.
Nous avons aujourd'hui une existence et une reconnaissance même si elles sont limitées dans le temps puisqu'elles se font à travers la fenêtre du téléthon. Cette manifestation a d'ailleurs changé beaucoup de choses en France dans le monde du handicap.
On a gagné le droit de vieillir, ce qui n'était pas le cas il y a 50 ans. Les médecins ne s'occupaient pas de nous puisqu'ils nous considéraient comme condamnés. Quand un enfant était diagnostiqué avec une maladie neuromusculaire, les médecins disaient " je ne peux rien faire ". L'AFM s'est donc battue avec certains médecins qui ont eux décrété qu'ils pouvaient faire quelque chose. Et ça été une grande victoire ! A ma naissance, on a dit à mes parents que je n'atteindrais jamais l'âge de 10 ans, alors que j'ai 30 ans aujourd'hui ! Depuis, on a une réelle prise en charge médicale alors qu'avant on nous laissait mourir.
Une fois qu'on nous a permis de vivre, un autre combat a commencé : celui de la recherche. Et c'est là que le téléthon a changé la donne il y a 22 ans. Parce qu'il faut beaucoup d'argent pour financer les programmes de recherche. Ça nous a offert des perspectives énormes. Aujourd'hui, on en est aux premiers essais avec de vraies réussites, qui nous donnent de vraies chances de guérir.
On n'y est pas encore, il reste quelques barrières à franchir, mais on touche au but. Tout ça a été possible parce qu'on avait la volonté farouche d'une association derrière et les moyens apportés par le téléthon. Alors ce n'est pas le moment de s'arrêter !
Côté pratique, en plus d'un soutien financier de l'association, l'AFM a aussi réussi à faire augmenter les aides financières de l'Etat. Le système n'est pas encore idéal, mais c'est déjà mieux que rien.
A l'AFM, bénévoles et salariés sont répartis à travers la France. Ces structures locales s'occupent des familles qui en ont besoin, et et des techniciens d'insertion aident les malades dans leurs démarches quotidiennes. Ils aident également les familles à gérer la maladie dans une société qui n'est pas très accessible aux personnes en situation de handicap.
Un essai coûte extrêmement cher. C'est très caricatural, mais il faudrait presque un téléthon par essai pour arriver à un traitement. Sachant en plus qu'il aura forcément des échecs. En fait plus on avance, plus on a besoin d'argent. Comme on passe aujourd'hui aux tests sur l'homme, on a besoin de l'application des médecins, de la multiplication des consultations. Ça devient de plus en plus complexe et les traitements nécessitent plus d'investissements et plus de précision.
Le téléthon est un événement unique en France et même en Europe. Ce modèle ne fonctionne qu'ici, et c'est extraordinaire de voir toute cette mobilisation.
Au-delà de l'argent, ça nous aide beaucoup de partager notre expérience, avec des gens de tous âges. Personne ne pensait qu'on allait y arriver si vite. Il y a quelques années, on n'osait même pas prononcer le mot " guérir ". On compte sur la fidélité de tous ces gens qui nous ont aidés jusque là. Mais on est conscients qu'il y a beaucoup de sollicitations aujourd'hui et que le climat économique peu favorable ces temps-ci ne va pas aider les choses.
Malgré tout cet optimisme on a un peu d'appréhension à se retrouver otages de quelque chose qui nous dépasse. On vit nous-mêmes les problèmes de pouvoir d'achat alors on comprend que faire un don à une association n'est peut-être pas une priorité en ce moment.
Face à ça, notre but inscrit dans les statuts de l'association reste le même : la guérison. C'est notre premier objectif, et il faut l'atteindre ! Ralentir la recherche c'est insupportable pour les malades et les familles qui attendent de voir arriver un traitement.