"C'était Quasimodo, pour les gens !"
Ca, ce sont les termes de Patrick Timsit. Le temps des 40 minutes du passionnant podcast Comédies Club (celui du journaliste Jérôme Lachasse pour BFM TV), l'humoriste revient sur son ovni Quasimodo del Paris. Et surtout, sur l'une des stars de cette farce trash : Lolo Ferrari.
Qui était Lolo Ferrari ? Star des tabloïds hyper racoleurs et des Croisettes ensoleillées, cette ex actrice films X et chanteuse ayant subi de nombreuses opérations de chirurgie était considérée comme la bimbo "ultime". Eve Valois de son vrai nom portait un pseudo renvoyant à ce que chacun pointait du doigt : son impressionnante poitrine. Un 130 F qui lui a valu les remarques les moins subtiles.
Une émission de France Inter lui accole un autre pseudonyme, pas hyper flatteur : "l'icône en silicone". Tout un programme. Quand bien même "Lolo" fait surtout référence à "Gina Lollobrigida", la star italienne.
Dans Quasimodo del Paris, parodie du chef d'oeuvre de Victor Hugo, Lolo Ferrari joue... la Fée. Pied de nez génial que de l'ériger en figure de contes, malgré sa réputation sulfureuse. Seulement voilà, le tournage ne fut pas des plus apaisés pour Patrick Timsit.
Car l'artiste a pu témoigner du regard porté par la société sur cette femme au destin tragique, retrouvée morte chez elle, en 2000, d’une trop forte dose de cachets. Dans la rue, Lolo Ferrari était jugée et insultée. C'est Patrick Timsit qui le raconte...
Diva beaucoup trop vulgaire ? Arborant une poitrine beaucoup trop grosse ? Pas assez "chic" ou "féminine" ? Patrick Timsit suggère le calvaire qu'a du subir "Lolo" toute sa vie durant.
On l'écoute : "Dans la rue, tous les gens se moquaient elle, montraient Lolo du doigt, tous ses porcs en terrasse, ses ordures, se moquaient d'elle. J'ai découvert cette méchanceté du quotidien à travers elle. Les gens étaient si méchants"
"Je me suis rendu dans une boutique Courrèges près de la production pour l'habiller, dans le cadre du film. Mais ils ne voulaient pas l'habiller. A Courrèges on me répondait : 'On ne veut pas habiller Madame Ferrari, vous comprenez, ce n'est pas notre image, vous savez bien'. J'ai répondu : Lolo, c'est ma carte, je suis client, tu prends ce que tu veux. La directrice de la boutique était abjecte avec elle..."
Oui, Lolo Ferrari s'est vue sommée de partir de boutiques de vêtements, refusant que la star représente leur marque.
Celle-ci a par la suite fondu en larmes en évoquant au cinéaste la méchanceté de la boutiquière à son encontre. "Lolo me regarde et me dit, en pleurant : 'Cette femme était si méchante. Quand elle m'a serré la main pour me dire au revoir, elle m'a cassée un ongle'".
C'est donc comme cela que Patrick Timsit a compris qu'en souhaitant, à l'origine, incarner un monstre - il joue Quasimodo dans son propre film - il se retrouvait face à ce que la société actuelle considérait alors comme une "bête de foire".
Avec des attitudes si indignes que Victor Hugo n'aurait pas forcément éludé cette facette-là de l'humanité dans sa propre oeuvre littéraire. "Elle est un monstre dans le regard des autres.... C'est elle qui m'a fait le mieux travailler mon personnage", insiste Patrick Timsit dans ce témoignage à retrouver ici en version écrite.
C'est une écoute captivante, mais très douloureuse.
On rappelle que Lolo Ferrari était victime de la mainmise de son époux, veillant à ses opérations de chirurgie, sa médiatisation ou plus précisément... Son exhibition. Derrière son exposition, il y a sa silenciation des années durant, et jusqu'à sa mort.
"C'était une jeune femme vulnérable, exploitée et exhibée comme une bête de foire. Sous le tissu rose de ses tenues extravagantes, se dissimulent des bleus, signes de violences conjugales", précise à juste titre une enquête de la journaliste Constance Vilanova dédiée à sa vie.
En l'érigeant en mythe pour contes modernes, solaire dans la peau d'une Fée dédiant à Quasimodo une rare considération, mais aussi très drôle, Timsit a rendu à Lolo Ferrari une liberté qu'on lui avait volée.
La bimbo, c'est une figure qui cristallise toutes les violences. On vous en parle dans notre portrait de Pamela Anderson. Et ce témoignage de sex symbol en dit également long sur le slut shaming vécu.
Le slut shaming, c'est le jugement porté sur la sexualité - fantasmée - des femmes, en fonction de leurs attitudes, leurs pratiques supposées, leur apparence, surtout. On vous en parle longuement dans cet article où l'iconique Zahia témoigne.
Lolo hier, Pamela il n'y a pas si longtemps, Zahia, aujourd'hui encore... Autant de "chasses aux sorcières" qui se répètent inlassablement.