






"C'est comme The Substance !"
Ca, c'est la formule choc qui inonde les réseaux sociaux depuis la victoire de Mikey Madison aux Oscars. Meilleure actrice à seulement 25 ans, la comédienne américaine très engagée pour la cause des femmes les plus marginalisées (les travailleuses du sexe) remporte le précieux sésame face à de grands noms du milieu, dont celui de Demi Moore, pourtant donnée grande favorite pour The Substance. Et d'aucuns voient en cette situation une féroce ironie.
"Demi Moore qui perd face à une femme plus jeune, c'est complètement le pitch de The Substance", "Elle perd aux Oscars face à un 'meilleure version d'elle même, plus jeune, plus belle', c'est la trajectoire de son personnage dans le film", "C'est The Substance mais dans la réalité", "The Substance est donc très réaliste concernant Hollywood", peut-on lire en vrac sur les réseaux sociaux.
Tant et si bien que la réflexion vire carrément à la tendance, devient virale, quitte à opposer sévèrement les deux comédiennes, que quasiment 40 ans séparent. Les analyses s'enchaînent, et il est intéressant de s'y confronter. Car cela raconte forcément quelque chose de notre société, de ses intenses contradictions, réalités et contresens.
Depuis le sacre de Mikey Madison, des montages anonymes se multiplient sur les réseaux sociaux : des vidéos extraites de The Substance où la Demi Moore période "sorcière" de la farce féministe dévastatrice de la française Coralie Fargeat crache sa bile contre Mikey Madison (dans le film, elle exprime cette véhémence à l'encontre de Margaret Qualley, sa "version" plus jeune, en cuisinant passionnément), des montages-photos où la représentation sous forme de panneau publicitaire de Mikey Madison surplombe la demeure du personnage de Demi Moore dans le film...
Bref : pour les internautes, Mikey Madison est Margaret Qualley dans The Substance.
A savoir : la jeune femme brillante et désirante adulée par l'industrie, face à une icône "has been" déchue, expédiée à l'écart du cadre et du système. Quelque part, il y aurait donc de l'âgisme, de la discrimination systémique "anti-vieilles", dans ce choix de remettre l'Oscar à Mikey Madison, et non à Demi Moore, actrice de 62 ans que d'aucuns, des médias aux internautes, voyaient déjà couronnée pour ce rôle truculent mais surtout, très, très personnel.
Très intime comme partition, notamment l'espèce de cette scène de nu frontale hyper audacieuse si riche de sens (on vous la décrypte ici) ou de cette séquence étonnante qui, paradoxalement, traumatise plus que les nombreux éclats gore et body horror du film : oui oui, on parle bien de cette scène-là.
Mais que retenir de cette comparaison ? Plein de choses.
On pourrait y voir la démonstration dans la réalité, par A+B, de ce que raconte Coralie Fargeat, et incarne Demi Moore à l'écran (laquelle a pu expérimenter la chose, au moins depuis 20 ans et le sexisme subi durant cette scène de bikini de Charlie's Angels 2), à savoir la difficulté à rendre visibles les femmes, même les superstars, passé un certain âge, au sein d'une usine à rêves hautement patriarcale qui sacralise le culte du jeunisme à tout prix.
Cependant, ces réactions peuvent aussi laisser dubitatifs.
Sur les réseaux sociaux, d'aucuns vont effectivement rejeter Mikey Madison, malgré sa sidérante performance, pour mieux célébrer Demi Moore. C'est ce que l'on appelle un paradoxe, un contresens absolu au discours que défend elle-même Coralie Fargeat à travers The Substance : ce film est un constat très amer des rivalités féminines, de l'absence de sororité au sein de l'industrie du divertissement, des comparaisons entre les femmes établies et alimentées, évidemment, par des hommes, ou tout du moins, par un système pensé par les hommes. Mettre au pilori Mikey pour Demi, c'est sombrer dans tout ce que dénonce avec beaucoup de férocité la cinéaste.
Et avec elle, Demi Moore.
Laquelle d'ailleurs s'est permise de féliciter Mikey Madison sur ses réseaux sociaux, saluant sa partition dans Anora, Meilleur film aux Oscars, et avant cela, Palme d'or au dernier Festival de Cannes.