Il y a tout juste un an, Robert Laffont publiait Maestra, un thriller érotique transformé en best-seller mondial en l'espace de quelques semaines. C'est que le roman de la Britannique L.S. Hilton a quelque chose de bien particulier. D'abord jugé "trop cru" par son agent, le livre a longtemps dormi au fond d'un tiroir avant que son auteure ne décide de lui offrir une seconde chance. Quelques refus et la rencontre avec un éditeur pas farouche plus tard, Maestra a fait son arrivée en librairies. Présenté comme un savant mélange de Cinquante nuances de Grey et Gone Girl, le roman s'est rapidement transformé en best-seller mondial. Loin du cliché de l'héroïne soumise qui pullule dans la littérature érotique, L.S. Hilton a mis au monde Judith Rashleigh, une créature manipulatrice, sombre et vénéneuse. Une femme intelligente, qui manie aussi bien l'ironie que le couteau, et dont la sexualité débridée a de quoi faire rougir l'ingénue Anastasia Steele.
Acheté dans 36 pays, en cours d'adaptation à Hollywood, Maestra voit enfin débarquer sa petite soeur, Domina. On y retrouve Judith Rashleigh, planquée à Venise sous le nom d'Elisabeth Teerlinc. Fini le temps où elle se débattait dans un hôtel de ventes aux enchères londonien. La voilà à la tête de sa propre galerie d'art. Mais pour en arriver là, la jeune femme a magouillé et laissé quelques corps sans vie sur son passage. On s'en doute rapidement, son quotidien fait de luxe et de solitude va rapidement être chamboulé. Rattrapée par son passé, manipulée, Judith va être contrainte de retrouver une oeuvre légendaire et affronter des ennemis toujours plus redoutables. Si Maestra se terminait au sommet pour l'héroïne de L.S. Hilton, Domina remet clairement les compteurs à zéro.
Alors, Domina est-il à la hauteur de son prédécesseur ? La réponse est oui, trois fois oui même. On prend ainsi beaucoup de plaisir à retrouver Judith, qui confirme ici son statut d'héroïne féministe. Indépendante, à l'écoute de ses désirs et bien décidée à se faire une place dans un monde phallocrate, la jeune femme apparaît par moments comme une véritable inspiration. Alors, oui, elle sème les ennuis et les cadavres sur son passage, et elle est incroyablement calculatrice. Mais Judith n'a peur de rien ni de personne. Elle a du cran, de l'audace, et elle est pleine d'esprit. Propulsée dans le monde de la jet-set, elle regarde son entourage avec un regard railleur, se moque des beautiful people, les utilisent sans qu'ils ne remarquent rien, tous bien trop absorbés par leur petite personne. Judith, c'est un peu notre part d'ombre. Elle nous surprend, nous choque, mais on est jamais en empathie avec elle. Et c'est ça qui fait des livres de L.S. Hilton une oeuvre diablement jouissive.
Et si Domina fait descendre son héroïne de son piédestal, c'est pour mieux nous montrer à quel point celle-ci est pleine de ressources. De Paris à Belgrade en passant par Saint-Moritz, Judith va traverser de nombreux pays autant qu'elle va traverser d'épreuves. Gagnera-t-elle cette nouvelle bataille ? Une chose est sûre, L.S. Hilton continue de repousser les limites du thriller érotique et elle le fait plutôt bien. Un roman scandaleusement cru, et la sortie littéraire inratable de ce printemps.
Domina, de L.S. Hilton, ed. Robert Laffont, collection La Bête Noire, 384 pages, 18,90€
Et Maestra, chez Pocket, 416 pages, 7,80€