musique
Au Nigeria, où l'homosexualité est passible de prison, la communauté queer tente de survivre
Publié le 19 juin 2024 à 09:50
Par Terrafemina avec AFP
Body-bustier en cuir noir, talons aiguilles et frange violine au-dessus d'yeux abondamment cerclés de khôl, Ashley Okoli arpente avec assurance la scène d'un bal queer de Lagos, bouillonnante capitale...
Au Nigeria, où l'homosexualité est passible de prison, la communauté queer tente de survivre 
Ashley Okoli (c) participe à un bal queer, à Lagos, au Nigeria, le 9 juin 2024 Au Nigeria, où l'homosexualité est passible de prison, la communauté queer tente de survivre Ashley Okoli (c) participe à un bal queer, à Lagos, au Nigeria, le 9 juin 2024© AFP, Leslie FAUVEL
La suite après la publicité

Body-bustier en cuir noir, talons aiguilles et frange violine au-dessus d'yeux abondamment cerclés de khôl, Ashley Okoli arpente avec assurance la scène d'un bal queer de Lagos, bouillonnante capitale économique et culturelle du Nigeria. 

A 26 ans, elle est l'icône d'une communauté LGBT+ contrainte à la discrétion du fait de la dureté des lois contre l'homosexualité au Nigeria, le pays le plus peuplé d'Afrique.

Ce soir là, elle officie comme membre d'un jury devant départager les participants d'un bal organisé en la mémoire de la militante Fola Francis, première femme transgenre à avoir défilé à la Lagos Fashion Week et morte accidentellement en décembre dernier peu avant ses 30 ans.

"Monter sur scène n'est pas facile, cela demande beaucoup de courage et de confiance en soi, c'est pourquoi je ne mets jamais une note en dessous de 5", explique l'artiste qui assume son homosexualité et ne s'est jamais reconnue dans l'éducation qu'elle a reçue, où on lui a appris à "être une épouse, cuisiner et nettoyer".

Au Nigeria, l'homosexualité est passible de 10 à 14 ans de prison selon une loi adoptée en 2014, dans un pays très religieux divisé entre un Nord majoritairement musulman, où la loi islamique est appliquée parallèlement au système judiciaire, et un Sud à majorité chrétienne, où l'Eglise garde une influence considérable.

Dans les faits, cette loi est rarement appliquée mais elle a légitimé les intimidations et violences généralisées vis-à-vis de la communauté LGBT+.

Bal queer organisé pour rendre hommage à l'activiste LGBT+ Fola Francis, à Lagos, au Nigeria, le 9 juin 2024 © AFP, Leslie FAUVEL

"Beaucoup de personnes queer n'ont pas de domicile, il est souvent difficile de trouver des moyens de gagner sa vie", rappelle Aaron, 27 ans.

"Les Nigérians sont très résilients, nous trouvons des espaces d'expression partout", confie Uche, 30 ans, fine moustache, longues tresses et combinaison à paillettes.

Il est venu interpréter sur scène "O Fly On" de Coldplay pour rendre hommage à Fola Francis qu'il a eu "le privilège" de fréquenter "avant et après sa transition".

- "Un endroit sûr" -

Le bal de ce samedi soir, abrité dans un hangar d'un quartier périphérique de la ville aux 20 millions d'habitants, marque le début du "mois des fiertés" célébrant chaque année en juin la défense des droits des personnes LGBT+ dans le monde.

Sur scène, les participants enchaînent les poses et les figures, arborant des costumes empruntant au style "néo-goth" -le thème du bal- mâtinés des apparats festifs traditionnels de la communauté queer - perruques, paillettes et maquillage exubérant.

Le jury note les prestations et costumes de participants à un bal queer, à Lagos, le 9 juin 2024 © AFP, Leslie FAUVEL

Le public est galvanisé par la succession de tubes des stars nigérianes de l'afrobeats, comme Ayra Starr, et des incontournables Beyoncé, Kylie Minogue ou encore RuPaul, "drag queen la plus célèbre du monde" qui anime sa propre émission de téléréalité depuis quinze ans.

Parmi les catégories en compétition, le "voguing", cette danse qui fait tournoyer les mains et les bras autour du visage née dans les années 1970 aux Etats-Unis dans les clubs queer afro-américains et latinos et popularisée par Madonna avec son titre "Vogue".

Bien que la culture de ces bals existe depuis une vingtaine d'années au Nigeria, elle n'est pas encore structurée comme dans d'autres pays où les "maisons" composées d'une "mère", d'un "père" et d'"enfants" s'affrontent sur scène.

"La culture du +ballroom+ n'existe pas à proprement parler ici, mais nous essayons de la construire car cela va au-delà du divertissement, cela veut aussi dire prendre soin des autres et accompagner les jeunes", commente le photographe Daniel Obasi, membre du jury.

L'ambiance est à la bienveillance. C'est ce que viennent chercher les fêtards queer de Lagos, un "endroit sûr" où ils peuvent "dire leur propre vérité", explique Kim, femme transgenre de 27 ans qui affirme n'être "vraiment elle-même" que parmi ses pairs.

"Lagos permet de s'habiller comme on veut, d'être créatif", confie la jeune femme aux cheveux courts et en robe noire moulante, qui s'est installée dans la mégapole il y a seulement six mois, après avoir subi "des violences physiques et du harcèlement" dans sa ville du centre du pays où elle n'a pas pu terminer ses études.

Lola, femme transgenre nigériane, au cours d'un ball queer, à Lagos, le 9 juin 2024 © AFP, Yasmine CANGA-VALLES

Ayo Lawson, 30 ans, co-organisatrice de l'événement, veut donner l'opportunité aux gens "d'être les plus outranciers, les plus flamboyants" possible dans un espace où ils se sentent "sûrs et célébrés".

"Les gens sous-estiment le privilège que c'est de pouvoir tenir la main de sa petite copine et de l'embrasser dans les lieux publics", constate celle qui se revendique lesbienne et veut multiplier les événements de ce type pour "ne plus se cacher et assumer d'être ouvertement queer et fier". 

fvl/blb

© Agence France-Presse

Mots clés
musique danse
Sur le même thème
#MeToo : en plein concert, un homme tente de filmer sous la jupe de Shakira, la chanteuse quitte la scène (et ça agace les sexistes sur Twitter) play_circle
Culture
#MeToo : en plein concert, un homme tente de filmer sous la jupe de Shakira, la chanteuse quitte la scène (et ça agace les sexistes sur Twitter)
16 septembre 2024
C'est une révolution : le mariage gay est enfin autorisé en Thaïlande ! (la communauté LGBT s'en réjouit dans le monde) play_circle
Société
C'est une révolution : le mariage gay est enfin autorisé en Thaïlande ! (la communauté LGBT s'en réjouit dans le monde)
25 septembre 2024
Les articles similaires
Affaire P. Diddy : c'est quoi cette folle théorie du complot qui implique Beyoncé ? play_circle
Société
Affaire P. Diddy : c'est quoi cette folle théorie du complot qui implique Beyoncé ?
3 octobre 2024
"L'industrie de la musique est toxique envers les femmes", dénonce Flore Benguigui du groupe "L'impératrice" (qu'elle décide de quitter) play_circle
Culture
"L'industrie de la musique est toxique envers les femmes", dénonce Flore Benguigui du groupe "L'impératrice" (qu'elle décide de quitter)
27 septembre 2024
Dernières actualités
57% des mecs pensent que ne pas dire clairement "non", c'est être forcément consentante (et c'est flippant) play_circle
Société
57% des mecs pensent que ne pas dire clairement "non", c'est être forcément consentante (et c'est flippant)
4 octobre 2024
"Trop sexy" :  on accuse Sabrina Carpenter d'être beaucoup trop à l'aise avec sa sexualité et son corps, la star répond aux réacs play_circle
Sexo
"Trop sexy" : on accuse Sabrina Carpenter d'être beaucoup trop à l'aise avec sa sexualité et son corps, la star répond aux réacs
3 octobre 2024
Dernières news