Isobel Bowdery est une jeune femme de 22 ans, originaire de Cape Town, en Afrique du Sud, qui réside actuellement à Paris. Le 13 novembre 2015, elle s'est rendue au concert des Eagles of Death Metal au Bataclan, avec son petit ami. Au coeur du carnage qui a laissé le monde entier sous le choc, Isobel s'en est tirée, comme beaucoup d'autres, en faisant la morte.
Une fois sortie, elle a raconté son calvaire sur Facebook, accompagné d'une photo du débardeur qu'elle portait ce soir là, taché de sang. Son témoignage a engendré plus de 2 millions de "likes" de soutien.
"On ne pense jamais que ça pourrait nous arriver.
C'était juste un vendredi soir à un concert de rock. L'atmosphère était heureuse et tout le monde dansait et souriait. Et quand les hommes sont entrés et ont commencé à tirer, nous avons tous naïvement cru que ça faisait partie du show. Ce n'était pas une attaque terroriste, c'était un massacre. Des dizaines de gens se sont fait tirer dessus sous mes yeux. Des mares de sang s'écoulaient sur le sol. Les pleurs d'hommes tenant les corps inanimés de leurs copines ont percé cette petite salle de concert. Des avenirs détruits, des familles brisées, en un instant.
Choquée et seule, j'ai fait la morte pendant plus d'une heure, étendue près des gens qui pouvaient voir les corps immobiles de leurs proches. J'ai retenu mon souffle, essayé de ne pas bouger, de ne pas pleurer - de ne pas donner à ces hommes la peur qu'ils étaient venus chercher. J'ai eu une chance incroyable d'y survivre. Beaucoup d'autres ne l'ont pas eue. Ces gens qui étaient présents pour la même raison que moi - passer un chouette vendredi soir - étaient innocents.
Ce monde est cruel. Et des actes comme ceux-là sont censés mettre en valeur la dépravation de l'être humain, et les images de ces hommes nous cernant comme des vautours me hantera pour toujours. La façon dont ils ont méticuleusement tiré sur les gens qui se trouvaient dans la fosse, sans considération pour la vie humaine. Ça me semblait irréel. Je m'attendais à tout moment à ce que quelqu'un me dise que ce n'était qu'un cauchemar.
Mais le fait d'avoir survécu à cette horreur me permet de mettre en lumière les héros. À l'homme qui m'a rassurée et qui a mis sa vie en danger pour tenter de couvrir mon cerveau pendant que je gémissais, au couple dont les dernières paroles d'amour m'ont permis de croire à la bonté de ce monde, à la police qui a réussi à sauver des centaines de personnes, aux inconnus qui m'ont relevée dans la rue et consolée pendant les 45 minutes durant lesquelles j'étais persuadée que l'homme que j'aime était mort, à l'homme blessé que j'avais pris pour lui et qui, lorsque j'ai compris que ce n'était pas Amaury, m'a prise dans ses bras m'a promis que tout allait bien se passer, alors qu'il était lui-même seul et effrayé, à la femme qui a ouvert ses portes aux survivants, à l'amie qui m'a abritée et qui est sortie m'acheter des vêtements pour que je ne sois pas obligée de porter ce haut tâché plus longtemps, à vous tous qui m'avez innondée de messages de soutien - vous m'aidez à croire que ce monde a le potentiel de devenir meilleur. De ne jamais laisser une chose pareille se reproduire.
Mais je voudrais surtout dédier ce message aux 80 personnes qui ont été assassinée dans cette salle, qui n'ont pas eu autant de chance, qui n'ont pas pu se réveiller aujourd'hui et à toute la douleur que leurs amis et familles traversent aujourd'hui. Je suis désolée. Il n'y a rien qui pourra apaiser cette douleur.
Je me sens privilégiée d'avoir pu être présente pour leurs derniers souffles. Et puisque j'ai vraiment cru que j'allais les rejoindre, je peux vous assurer que leurs dernières pensées ne sont pas allées aux animaux qui ont causé tout ceci. Elles allaient aux gens qu'ils aiment.
Alors que j'étais allongée dans le sang d'inconnus et que j'attendais la balle qui allait mettre fin à mes 22 années, j'ai vu le visage de chaque personne que j'ai aimée et j'ai chuchoté "je vous aime", encore et encore. J'ai repensé aux meilleurs moments de ma vie. J'ai souhaité que ceux que j'aime le sachent, qu'ils sachent aussi que quoiqu'il m'arrive, il fallait continuer à croire à la bonté des gens. Qu'il ne fallait pas laisser ces hommes gagner.
La nuit dernière, de nombreuses vies ont été changées à jamais, et c'est à nous de devenir meilleurs. De vivre les vies dont les victimes innocentes de cette tragédie rêvaient mais ne pourront jamais accomplir. R.I.P. les anges. Vous ne serez jamais oubliés."
Un témoignage déchirant, qui fait écho à tous ceux dans son cas qui véhiculent aujourd'hui des messages plein d'amour, de compassion, et de promesse d'un avenir meilleur.