Le regretté Coluche avait un sketch célèbre qui commençait ainsi : "C'est l'histoire d'un mec...". Les plus âgé·es s'en souviendront peut-être, les plus jeunes iront regarder sur YouTube. La Meute, le premier roman de la journaliste Sarah Koskievic, c'est exactement l'inverse et il aurait pu commencer ainsi : "C'est l'histoire d'une meuf...". Plus exactement, c'est l'histoire de meufs, un espace où le mec devient finalement un accessoire voire une quantité négligeable. Non pas qu'il n'en soit pas question, au contraire, c'est juste que, pour une fois, on se concentre pas sur lui.
La Meute raconte des tranches de vie de femmes riches en personnalités diverses qui ont toutes en elles une espèce d'urgence : celle de vivre, tout et si possible à fond. La meute, c'est votre groupe d'amies peut-être en plus barrées, peut-être en plus extrêmes, sans doute en plus jusqu'au-boutistes.
Les héroïnes y sont nombreuses, différentes mais possèdent un même point commun : leur force, celle qui les unit mais aussi celle qui les pousse à vouloir s'imposer dans un monde d'hommes qui aimerait qu'elles restent à leur place. Mais elles en ont décidé autrement, exigeant respect et égalité, les arrachant avec les dents si nécessaire. Pour autant, elles sont aussi fragiles ce qui les rend encore plus belles et attachantes : des femmes trop fortes feraient presque peur à des hommes peu habitués à être bousculés et à ne pas être les dominants de la meute.
Alors, il y a dans ce livre assez de sentiments pour qu'un lecteur masculin y trouve aussi son compte, pour qu'il comprenne qu'un groupe de filles est aussi régi par des règles tacites, traversé par des sentiments violents, habité par une force inouïe, celle du nombre évidemment, mais pas que.
Qui osera dire ensuite que les hommes sont supérieurs ? La Meute remet en tout cas certaines pendules à l'heure et l'autrice y raconte les histoires de femmes belles et puissantes, volontaires et intelligentes qui vivent leur vie comme elles l'entendent sans rien se laisser dicter par quiconque. Si ce ne sont pas des exemples pour la jeunesse en termes de sexe, drogue et alcool, elles peuvent le devenir sur d'autres points : leur détermination à ne pas se laisser dicter de règles, le refus du patriarcat, leur volonté de décider seules de leur avenir, quelle que soit la pression environnante, professionnelle ou familiale.
D'ailleurs, on sent dans ce récit qu'il y a une part de vérité dans ce qui est écrit. Sarah Koskievic a écrit une fiction mais il est sous-entendu par une grosse part de biographie tant en ce qui concerne l'héroïne principale que ses camarades de meute.
Elles sont Parisiennes, arrogantes, riches, belles et n'hésitent pas à se servir de ce statut pour affirmer leurs positions sociales, professionnelles ou sexuelles. Elles aiment séduire, sortir, coucher, mais elles sont aussi égoïstes, insolentes et parfois méprisantes. Sans doute parce qu'elles se préservent du monde extérieur qui peut être très violent quand on est une femme. Tout change quand elles se retrouvent entre elles, quand elles pénètrent le cercle très fermé de la meute.
Dans une espèce de réflexe de survie animale, elles deviennent aimantes, sensibles, touchantes et s'il fallait enterrer un cadavre pour protéger une des membres de la meute, elles le feraient toutes, sans hésiter, sans exception. Parce que La Meute, c'est avant tout une formidable histoire d'amitié à la vie à la mort comme on aimerait tous en vivre. C'est un exemple de tendresse, de passion, parfois exprimé avec rudesse et grossièreté, mais qui cache un amour profond et sincère pour chacun de ses membres. La Meute, c'est surtout un premier roman réussi au style nerveux, au débit mitraillette comme celui des filles dont il conte la vie. Au final, on aimerait tous appartenir à ce type de meute.
La Meute, de Sarah Koskievic
Editions Plon