Né il y a plusieurs décennies aux États-Unis, le roller derby a dû attendre le début des années 2000 pour acquérir ses lettres de noblesse. Relancé au Texas, arrivé en France en 2009, le sport sur patins à roulettes compte aujourd'hui plusieurs ligues et passionne des milliers de jeunes femmes. Car plus qu'une activité, le roller derby est une raison d'être. Influencé par le punk, le féminisme, les films d'horreur, et la pop culture en général, ce sport d'équipe démontre que les femmes aussi peuvent aimer la bagarre et que sur le "track", l'union féminine fait la force. Tendance et indéniablement badass, le roller derby est au coeur d'un roman graphique sorti ces jours-ci en France, Roller Girl. Destiné aux pré-adolescentes, cet ouvrage écrit et illustré par l'Américaine Victoria Jamieson, est une véritable petite pépite de fun et d'intelligence.
L'histoire est celle d'Astrid, une fillette de 12 ans qui s'apprête à quitter l'école primaire pour le collège. Depuis toujours, Astrid et sa meilleure amie Charlotte sont inséparables et partagent les mêmes activités. Mais pour la jeune héroïne, l'été qui précède son entrée dans la cour des grands va être une étape charnière. Astrid va découvrir le roller derby et se rendre compte que grandir, c'est aussi s'éloigner de ses amis. Charlotte aime la danse classique et les jolis vêtements. Astrid ne souhaite qu'une chose : enfiler ses patins et en découdre avec ses adversaires. L'une n'est que douceur, l'autre bouillonne de l'intérieur. En l'espace de quelques semaines seulement, l'éloignement va donc être brutal mais nécessaire pour la construction des deux jeunes filles.
Mais s'il y a une rupture d'un côté, Roller Girl démontre aussi que pratiquer un sport d'équipe permet de lier de nouvelles amitiés, de rencontrer des gens qui vous ressemblent. Ainsi, Astrid va rencontrer Zoé, une adolescente de deux ans son aînée qui va l'encourager mais aussi lui montrer que les différences peuvent avoir du bon. Zoé aime le roller derby mais elle se passionne aussi pour les comédies musicales. On peut donc aimer les choses qui touchent à l'art et rester intéressante et badass. Roller Girl s'attaque aux stéréotypes sur la féminité mais explique aussi qu'il faut être respectueux des choix des autres. Charlotte aime le ballet et le rose, c'est son choix, ça ne fait pas d'elle une quiche. Et ça, Astrid ne le comprend pas tout de suite. C'est finalement le roller derby qui va lui ouvrir les yeux et la faire mûrir.
Outre l'amitié, l'autre sujet qui est au coeur de ce roman graphique, c'est bel et bien le dépassement de soi. Elle-même adepte du roller derby, Victoria Jamieson sait à quel point ce sport demande de l'endurance, de la force et du courage. Son héroïne ne se lance pas dans ce sport avec grâce, bien au contraire. Astrid va tomber, se relever, tomber encore. Elle va se faire quelques bleus, enrager à l'idée de ne pas y arriver. Dernière arrivée dans l'équipe, elle est celle qui a le plus de retard et elle va donc devoir s'entraîner plus que les autres pour arriver à leur niveau. Et puis comme beaucoup d'enfants, Astrid a honte. Honte de se lancer dans une activité toute seule, honte de ne pas avoir le bon équipement, honte de ne pas être forte, tout simplement. Aidée par ses nouvelles amies, soutenue par sa mère, la jeune fille va apprendre que rien n'est facile dans la vie et qu'il faut parfois travailler dur pour obtenir ce que l'on souhaite. Mais s'il y a bien une morale à ce livre, c'est que bien souvent, le jeu en vaut la chandelle.
Roller Girl est un ouvrage inspirant à mettre dans les mains de toutes les pré-adolescentes, qu'elles s'intéressent au roller derby ou non (ou pas encore). L'histoire est intelligente, l'héroïne attachante, et le graphisme, coloré et engageant, apporte de la nuance et des détails au texte. Ne reste plus qu'à croiser les doigts pour un tome 2.
Roller Girl, de Victoria Jamieson, 404 Éditions, 240 pages, 9,95€