Lonnie Chavis campe le rôle de Randall jeune dans la série américaine This is Us. Son personnage est adopté par une famille blanche et intègre une fratrie de deux jumeaux. Aujourd'hui, l'acteur de 12 ans prend la parole en soutien au mouvement Black Lives Matter, et raconte les discriminations auxquelles il a lui-même fait face dans l'industrie du cinéma. Une situation "effrayante", décrit-il dans une lettre poignante qui interpelle quant à la réalité des acteurs et actrices noir·e·s.
"Je me souviens de l'époque où je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas beaucoup de gens qui me ressemblaient sur ces plateaux de tournage à Hollywood et où j'ai demandé à ma mère où se trouvaient tous les Noir·e·s", confie Lonnie Chavis. "Je me souviens aussi d'avoir été invité à des événements, mais d'avoir ensuite été très mal traité par la sécurité ou les contrôleurs d'entrée, comme si je n'étais pas censé être là, jusqu'à ce qu'un attaché de presse m'annonce".
Le jeune garçon évoque également les nombreuses fois où on l'a pris pour Miles Brown (Jack) de Black-ish et Caleb McLaughlin (Lucas) de Stranger Things, deux autres acteurs noirs du même âge. "Je suppose que nous nous ressemblons tous puisque nous sommes tous noirs", lance-t-il. "Pouvez-vous imaginer être confondu avec un autre enfant noir juste parce que vous partagez tous la même profession ? Je le peux."
Au cours d'un tournage, on lui demande de donner la réplique à une actrice qui joue le rôle d'une "grand-mère raciste envers mon personnage". Lorsqu'il s'effondre en larmes, profondément blessé par les propos de la scène, le réalisateur et les scénaristes lui disent qu'ils n'ont pas besoin qu'il pleure à ce moment-là. "Cependant, il m'était difficile de ne pas pleurer car je voyais que ce que je venais d'apprendre était ma réalité", lâche Lonnie Chavis.
Il poursuit : "Je ne jouais pas, je pleurais pour moi. Pouvez-vous imaginer devoir expliquer à une salle pleine de Blancs pourquoi je ne pouvais pas retenir mes vraies larmes tout en ressentant la douleur du racisme ? Je le peux."
Et puis, il témoigne d'une anecdote terrible de violences policières. Un acte qui nourrit la peur quotidienne dans laquelle vivent les Noir·e·s américain·e·s. "Mon dixième anniversaire est tombé le jour de Thanksgiving, en 2018. Après être rentré tard de ma fête d'anniversaire avec ma famille, un policier de Long Beach a tordu le bras de mon père derrière son dos et l'a tiré du pas de notre porte avec la porte ouverte, prétendant qu'il était détenu pour une contravention."
"Ma mère a couru jusqu'à ma chambre et m'a dit, la peur dans les yeux, d'aller dans la chambre de mon petit frère et de ne pas s'approcher des fenêtres. Elle a mis mon nouveau petit frère dans mes bras et m'a dit que quoi que j'entende de notre cour d'entrée, il ne fallait pas venir à la porte - quoi qu'il arrive. J'ai pris mon petit frère dans mes bras et j'ai pleuré en entendant ma mère crier à l'extérieur de notre maison. J'ai cru que mes parents allaient certainement mourir en s'opposant à la police."
Heureusement, son père et sa mère s'en sortent. Mais ce n'est pas le cas de nombreux·se·s hommes et femmes noir·e·s, assassiné·e·s. par la police à cause de leur couleur de peau. Et Lonnie Chavis insiste sur cette peur qui le hante encore aujourd'hui : "Pouvez-vous imaginer vous accrocher à vos trois petits frères tout en pensant que vous allez tous devenir orphelins ? Je le peux."
Lonnie Chavis termine sa lettre par un message puissant : "Si vous ne comprenez pas ce qui se passe dans le monde, alors comprenez ceci : C'est à ça que ressemble le monde pour moi. Un garçon noir de 12 ans. C'est mon Amérique."
Il martèle : "Les politiques doivent changer, les lois doivent changer, la police doit changer, Hollywood doit changer, les coeurs doivent changer, l'Amérique doit changer. Le changement doit avoir lieu pour que les citoyens noirs non armés ne vivent pas dans la crainte d'être assassinés." Et de conclure : "Pouvez-vous vous imaginer être moi en 2020 et vous demander ce que l'avenir nous réserve ? Je ne peux pas."