Christophe Blot : L’accord a porté sur trois points principaux. D’abord, l’amplification de la décote sur la dette grecque, dans le prolongement du plan qui avait été décidé en juillet. Les investisseurs privés sont également amenés à prendre une plus large part au sauvetage de la Grèce. Ce plan est assorti d’un plan de recapitalisation des banques européennes. Enfin, pour éviter la contagion à l’Italie et au Portugal, on a essayé d’accroître le Fonds de secours financier (FESF), qui passerait d’environ 440 milliards d’euros à 1000 milliards d’euros.
C.B : Il reste beaucoup d’incertitudes et d’éléments qu’il faudra préciser dans les prochains mois. Ainsi, on parle de recapitalisation, mais la façon dont elle sera opérée n’est pas précisée. Les banques devront elles-mêmes présenter la façon dont elles comptent procéder. Certaines d’entre elles, les plus solides, vont pouvoir recourir au marché privé, d’autres auront plus de difficultés et devront se tourner vers les pouvoirs publics. Pour l’instant on ne sait pas encore comment va se faire ce partage et comment les banques vont trouver les 100 milliards d’euros dont elles ont besoin. La question se pose également de savoir si ce montant sera suffisant. En France, on annonce entre 8 et 10 milliards de recapitalisation nécessaire. Jusqu’ici les banques assurent pouvoir le réaliser sans les pouvoirs publics. Mais la question se pose pour l’Italie, et surtout la Grèce.
C.B : L’enveloppe du FESF doit passer à 1000 milliards. Le rôle des investisseurs étrangers comme la Russie, la Chine et le Japon a été mis en avant, mais on ne connaît pas le montant de leurs contributions. De même, la question se pose de savoir si les pays européens vont augmenter leur contribution à ce fonds. Reste donc à préciser qui met les moyens et à quelle hauteur. Nicolas Sarkozy devrait rencontrer son homologue chinois pour discuter justement de ces questions. Cela pose également des questions politiques : faut-il ouvrir un fonds européen à des fonds étrangers ? La contribution d’investisseurs étrangers va faire du FESF un fonds hétéroclite avec des acteurs qui peuvent avoir des intérêts divergents. Les pays de la zone euro ont un intérêt direct, économique et politique, à assurer la pérennité de la construction européenne. Avec des nouveaux acteurs comme la Chine, on peut se demander si ces intérêts seront toujours soutenus.
C.B : Il était en effet important d’envoyer un signal avec un montant plus élevé. Ces 1000 milliards d’euros annoncés pourront couvrir le défaut grec qui a une dette de 300 milliards d’euros. Mais en cas de contagion, pourrait-il couvrir les dettes de l’Italie (environ 2000 milliards d’euros), de l’Espagne (plus de 600 milliards) ou du Portugal (160 milliards) ? La solution aurait été que la Banque Centrale Européenne (BCE) s’engage à ce que les taux soient raisonnables. Ce serait une arme fatale permettant de stabiliser les taux et la dette des pays européens. Si la BCE était encore dans le jeu, alors les moyens d’action seraient illimités. Tant que les fonds sont plafonnés, un phénomène de psychologie des marchés peut toujours jouer. Alors qu’un engagement de la BCE pourrait durablement apaiser les marchés.
C.B : Selon moi, soit la contagion sera enrayée et le plan décidé à Bruxelles aura réussi, soit elle se propage et alors le phénomène qui a touché la Grèce pourra se reproduire. Les accords pris cette nuit apportent des éléments supplémentaires importants : plus de moyens, la décote de la dette grecque et la protection du système bancaire. J’espère que cela suffira à redonner confiance aux marchés.
Crédit photo : AFP/Le Premier ministre Tchèque Petr Necas (g) serre la main à la chancelière allemande Angela Merkel, devant Nicolas Sarkozy, lors du sommet européen à Bruxelles, le 26 octobre 2011
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