Les héros d’Amélie Nothomb sont souvent des illusionnistes, des escamoteurs, des personnes qui vous envoutent, manipulent votre perception ou votre sens de la morale et vous transportent exactement là où ils souhaitent vous mener. Dans « Tuer le père », c’est littéralement le cas. Joe est un illusionniste et un joueur de poker, un vrai bluffeur.
Après « Une forme de vie », elle renoue dans « Tuer le père » avec son don de conteuse, mais elle assume ici plutôt un rôle de dramaturge. Le triangle amoureux aurait eu sa place au centre d’une tragédie shakespearienne sauf qu’ici c’est Amélie Nothomb qui tire les ficelles. La « tragédie » se déroule dans le Nevada, avec pour décors le festival Burning Man, évènement artistique libertaire en plein désert, ou encore les salles de jeux de Vegas, le paradis des magiciens !
Amélie Nothomb nous offre à chaque rentrée un nouvel opus. Si certaines années sont moins généreuses que d’autres, le plaisir est toujours présent, le décor original, les personnages hauts en couleur, le style concis, l’humour noir.
Si dans « Tuer le père », l’auteure ne joue pas autant sa carte du cynisme, elle garde une façon bien à elle de transporter son lecteur, de l’ensorceler. Dans ce roman, Amélie Nothomb joue avec ce qu’elle fait de mieux : la manipulation et les coups de poker.
Si elle est moins dans la description et l’observation méticuleuse de la monstruosité que dans d’autres de ses romans, elle reste ici attachée à l’étude minutieuse des talents, des êtres hors-normes, des marginaux.
On éprouve beaucoup de plaisir à la lecture de ce court roman qui se lit extrêmement vite, mais se relit avec autant de plaisir. On savoure la trame, on creuse les personnages. Si ce n’est pas le meilleur roman d’Amélie Nothomb, « Tuer le père » fascine et donne envie de disséquer ce sentiment ambigu de la relation père-fils.
Crédit photo : Marianne Rosenstiehl
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